Tour de France
de Rachid Djaïdani
Quinzaine des Réalisateurs









Le vieil homme et le rappeur

Far’Hook est un jeune rappeur de 20 ans. Suite à un règlement de compte, il est obligé de quitter Paris pour quelque temps. Son producteur, Bilal, lui propose alors de prendre sa place et d’accompagner son père Serge faire le tour des ports de France, sur les traces du peintre Joseph Vernet. Malgré le choc des générations et des cultures, une amitié improbable va se nouer entre ce rappeur plein de promesses et ce maçon du Nord de la France au cours d’un périple qui les mènera à Marseille pour un concert final, celui de la réconciliation... Second long métrage de Rachid Djaïdani, révélé à la Quinzaine des Réalisateurs 2012 avec Rengaine, ce récit sympathique croise les univers, certes très proches, du film « de banlieue » et des œuvres sur le rap. La synthèse de ces deux tendances a déjà connu de jolies réussites comme Slam de Marc Levin (Caméra d'or 1998) ou Brooklyn de Pascal Tessaud (Acid 2014). Le film de Djaïdani ne démérite pas et opère un charme certain, dans la double tradition du road movie et du buddy movie. D'un rythme un peu lent dans sa première demi-heure, Tour de France finit par distiller son charme en dépit de clichés et de personnages un brin stéréotypés. Serge (Gérard Depardieu) est un ancien prolo déglingué, d'une beauferie digne des figures de Cabu, raciste, xénophobe, anti-jeune et islamophobe, et qui ne pardonne pas à son fils d'avoir choisi une autre religion et un mode de vie aux antipodes. L'association contrainte avec Far'Hook (le rappeur Sadek) va créer un choc culturel et un comique de situation qui n'est pas sans rappeler, dans les meilleures séquences, les perles de la comédie italienne (Le Fanfaron de Dino Risi).


Car on se doute que ces deux-là vont finir par se rapprocher, dans un hymne à la tolérance multiculturelle et intergénérationnelle. On pourra certes reprocher au cinéaste de cibler un peu trop la corde sensible dans le dernier quart d'heure, mais force est de reconnaître que la narration est d'une fluidité remarquable et que le réalisateur joue avec finesse la carte de la satire sociale, même si son film n'a pas la dimension de Moi, Daniel Blake de Ken Loach. Aussi empâté et ravagé que dans Valley of Love, Gérard Depardieu évite ici le cabotinage et prouve par son jeu qu'il garde l'étoffe des plus grands. Son jeune partenaire Sadek est une révélation et mériterait une jolie carrière au grand écran. «  Il y a un voyage dans ce film pour le spectateur, mais j’aimerais qu’il le prolonge en dehors de l’expérience de la salle. Permettre d’ouvrir, pour que l’on regarde autrement autour de soi. Comprendre que pour un homme comme Serge, ce sont plus des blessures qui l’ont poussé à avoir une pensée extrême que le dégoût d’une communauté. Lorsque j’étais maçon, j’ai travaillé avec ces gens-là, que l’on qualifie de "fachos" ou "racistes". Je les ai toujours désamorcés, en travaillant ma truelle sur le chantier, en les respectant... Ils étaient tellement brisés par la vie que jamais je ne les ai jugés. Serge est l’un d’eux, pas un mauvais mais juste perdu ». Cette indulgence de l'artiste confirme le propos humaniste d'un film attachant et nécessaire, même si on l'aurait souhaité plus âpre.

Gérard Crespo




 

 


1h35 - France - Scénario : Rachid DJAÏDANI - Interprétation : Gérard DEPARDIEU, SADEK, Louise GRINBERG, Nicolas MARÉTHEU, Mabo KOUYATÉ.

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