Valley of Love |
« Et c'est ma seule chance de revenir. » « Putain la chaleur ». Ce sont les premiers mots de Gérard lorsqu'il s'installe dans un motel situé dans la région de la Vallée de la Mort, en Californie. Il est venu y retrouver son ex-femme, Isabelle, dans des circonstances très spéciales. Isabelle et Gérard sont des comédiens réputés qui ne se sont pas revus depuis des années. Ils ont répondu à l'invitation de leur fils Michael, photographe. Ce dernier s'est suicidé six mois auparavant. Pourtant, Isabelle a reçu une lettre de lui : « Je te demande d'être présente dans la Vallée de la Mort le 12 novembre 2014. Tous, les deux, oui tu as bien lu, toi et papa […] Et c'est ma seule chance de revenir ». Le respect d'un planning précis d'endroits à visiter est la condition de la brève réapparition de Michael. Croyant d'abord à une mauvaise blague, Isabelle et Gérard ont finalement décidé d'appliquer les termes de cet absurde contrat. Produit par Sylvie Pialat, Valley of Love est le douzième long métrage de Guillaume Nicloux, par ailleurs romancier et enseignant à la Fémis. Le projet du film s'est forgé après un séjour personnel dans la Vallée de la Mort, qui a été pour lui comme un rêve éveillé dont les rémanences devinrent plus précises au fil des mois. Ryan O'Neal devait initialement interpréter le rôle principal, dans une coproduction franco-américaine qui connut des difficultés de financement. Remanié avec l'entrée en scène de Gérard Depardieu, le scénario regorge de mise en abymes. Huppert et Depardieu interprètent presque leur propre rôle, et leurs personnages se retrouvent alors même que les deux stars n'avaient pas tourné ensemble depuis Loulou de Maurice Pialat, présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 1980. |
En outre, l'ombre de Guillaume Depardieu, qui porte le même prénom que le réalisateur, plane sur le récit de ce deuil difficile. Utilisant avec sobriété le magnifique paysage qui sert de décor au film, Guillaume Nicloux ne cède jamais à la tentation des prises de vue touristiques et se concentre sur l'évolution psychologique de ses deux protagonistes, évoluant dans un cadre étranger qui les déstabilise, en plus du contexte improbable de leurs retrouvailles. L'oppression du récit est judicieusement tempérée par des ruptures de ton avec des éléments de comédie, lorsqu'un touriste balourd demande un autographe à Gérard sans connaître son nom, ou quand la promiscuité reconstituée amène des situations cocasses. Le texte est très écrit, et la verve de Nicloux n'est pas loin de celle d'un Bertrand Blier avec lequel il semble partager le goût pour l'imbrication du réalisme et de l'insolite. L'irruption d'un fantastique suggestif est par contre moins convaincante, Guillaume Nicloux n'ayant manifestement pas le don du David Lynch de Mulholland Drive ni même le savoir-faire de Dominik Moll dans Lemming. Et le couple de stars semble assurer le minimum syndical. On a connu Isabelle Huppert plus radieuse. Et si l'on est heureux que Depardieu renoue avec des ambitions artistiques après les fiascos de Welcome to New York ou United Passions, force est de reconnaître que l'acteur a perdu tout charisme. Cette œuvre ambitieuse nous semble donc partiellement réussie. Gérard Crespo
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1h31 - France - Scénario : Guillaume NICLOUX - Interprétation : Isabelle HUPPERT, Gérard DEPARDIEU, Dan WARNER, Aurelia THIERRÉE. |