A Touch of Zen |
« King Hu était à la fois un poète, un peintre et un philosophe du 7e art. » (John Woo) Chine, sous la dynastie Ming. Gu Shengzai, vieux garçon lettré exerçant la profession de peintre et d’écrivain public, mène une vie tranquille avec sa mère, laquelle cherche à tout prix à le marier. Lorsqu’une nouvelle voisine vient s’installer dans la maison d’à côté, l’occasion est inespérée. Mais cette jeune fille mystérieuse n’est autre que Yang Huizhen, dont le père a été assassiné par la police politique du grand eunuque Wei et qui est depuis recherchée pour trahison… Conforté par les succès commerciaux de L'Hirondelle d'or (1966) et Dragon Inn (1967), King Hu put se consacrer à A Touch of Zen, un projet personnel ancien adapté d'un classique de la littérature chinoise. Comme Dragon Inn, le film a été réalisé à Taïwan, King Hu y étant installé après avoir vécu de longues années à Hong Kong. Sélectionné au Festival de Cannes en 1975, le film attira l'attention sur un réalisateur peu connu en Occident, et mit en lumière un cinéma asiatique différent de celui qui était vu ou apprécié à l'époque, à savoir essentiellement les œuvres de Satyajjit Ray, des grands auteurs japonais, ainsi que les films de kung-fu avec Bruce Lee. D'une durée de trois heures inhabituelle pour un film d'action, A Touch of Zen est considéré comme un wuxia étalon de l'histoire du cinéma. Ce genre initié à Hong Kong dans les années 60 avait engendré des adaptations de romans de chevalerie classique ou d'arts martiaux. King Hu y a intégré l'apport de l'opéra chinois, les scènes de combat étant réglées telles des chorégraphies, et le déplacement des personnages obéissant à une fluidité permanente. En fait, A Touch of Zen révèle des influences diverses. Le montage et l'utilisation du scope font songer à Pour une poignée de dollars et autres westerns spaghettis ; |
et le film emprunte aussi au mythe du samouraï japonais, qui avait connu son apogée avec Les Sept samouraïs d'Akira Kurosawa. Mais King Hu est tout autant inspiré par la peinture traditionnelle et les symboliques de la religion bouddhiste, représentée ici par le moine qui apporte sa protection à l'héroïne. L'interférence entre ces sources culturelles, qui puisent dans l'art noble tout autant qu'à la mythologie populaire, n'est pas la moindre qualité d'une œuvre foisonnante, conciliant virtuosité technique et somptuosité plastique. On peut noter aussi d'audacieuses métaphores politiques, les agissements de la police du grand eunuque n'étant guère éloignés des méthodes des gardes rouges au cours de la révolution culturelle. Film romanesque et d'aventures, A Touch of Zen ne néglige pas pour autant l'humour et le fantastique suggestif plus ou moins en trompe-l'œil (le manoir hanté), qui ont certainement influencé Histoire de fantômes chinois de Ching Siu-Tung. Mais les cinéastes qui se souviendront du film (et de l'œuvre complète de King Hu) s'avèrent nombreux, d'Ang Lee pour Tigre et dragon à Hou Hsia-hsien avec le récent The Assassin, en passant par le Tarantino de Kill Bill. Il faut aussi souligner le casting de haute tenue qui contribue à la réussite de cette œuvre lyrique et majestueuse. Hsu Feng irradie l'écran dans le rôle de Yang Huizhen, l'un des premiers personnages féminins se livrant à des scènes de combat au cinéma. Également productrice, elle a été à l'origine du financement de la restauration 4K de A Touch of Zen. Ce travail a été mené par le Taïwan Film Institute, sous l'égide du Ministère de la culture de Taïwan au Laboratoire L'Immagine Ritrovata. Gérard Crespo
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1971 - 2h59 - Taïwan - Scénario : King HU, d'après "Contes étranges du studio du bavard" de PU Songling.- Interprétation : HSU Feng, SHIH Chun, BAI Ying, TIEN Peng, Roy CHIAO. |