Pour une poignée de dollars |
La naissance d'un culte Après Le Colosse de Rhodes (1961), péplum mineur dans lequel il dirigeait Rory Calhoun, Lea Massari et Georges Marchal, Sergio Leone fut associé au projet de Pour une poignée de dollars, qui devait assoir son mythe et sa notoriété internationale. Formant une trilogie avec Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la brute et le truand, ce vague remake de Yojimbo (A. Kurosawa, 1961) a par ailleurs posé les bases de ce que d'aucuns nommèrent avec un certain dédain le « western spaghetti ». Conçue initialement comme une série B à budget confortable, cette coproduction franco-allemande mettait en tête d'affiche un acteur américain alors inconnu, un certain Clint Eastwood... Lui donnaient la réplique Gian Maria Volonté (John Wells au générique), la vedette allemande Marianne Koch, et une galerie de seconds couteaux italiens, espagnols ou américains, tous parlant la langue de Shakespeare dans la version originale. L'action du récit se déroulait à San Miguel, au sud de la frontière américano-mexicaine, mais les producteurs repérèrent de splendides extérieurs en Espagne. Bref, le film de « Bob Robertson » (pseudo de Sergio Leone) avait tout du produit de contrefaçon et s'assumait comme tel, à une époque où le western américain disparaissait progressivement avec les derniers chefs-d'œuvre de Ford ou allait connaître une période de démystification sous la férule de Peckinpah ou Penn... Le succès foudroyant du film de Leone n'en parut que plus suspect, et il faudra attendre Il était une fois dans l'Ouest pour que ses qualités d'auteur soient reconnues. |
Deux bandes rivales, les Baxter, trafiquants d'armes, et les Rojo, qui font de la contrebande d'alcool, se disputent la suprématie et la domination de San Miguel. Un étranger, vêtu d'un poncho, arrive à dos de mulet dans cette petite ville et s'immisce entre les deux bandes. Proposant d'abord ses services aux Rojo, l'étranger va très vite tirer profit des deux camps à la fois, à la grande joie du fabricant de cercueils Piripero... L'étranger (Joe), c'est bien sûr Clint Eastwood, impassible, ambigu, moralement intègre mais non exempt de zones d'ombres, figure nettement plus contrastée que les personnages incarnés par John Wayne ou Gary Cooper dans les modèles hollywoodiens. Venant aisément à bout de deux, trois voire plusieurs adversaires, Joe est un anti (?) héros à la gâchette infaillible et au verbe rare, qui anticipe les policiers et truands des films de Melville, John Woo ou Tarantino. On trouve dans Pour une poignée de dollars l'apothéose (pour l'époque) d'une violence irrationnelle, une ampleur spatiale et un étirement de l'action jusqu'alors inédits dans le cinéma d'action, même si la durée du film n'est que de cent minutes. Ennio Morricone (Leo Nichols au générique) avait signé la même année la musique de Prima della rivoluzione de Bertolucci ; il composait ici l'une des partitions qui allaient caractériser son style, fait de rumeurs amplifiées et rythmes martelants. Un demi-siècle après sa réalisation, Pour une poignée de dollars n'a pas pris une ride, au point d'avoir été sélectionné par Thierry Frémeaux en guise de clôture de la 67e édition du Festival de Cannes, avec une présentation effectuée par Quentin Tarantino, éternel fan de l'auteur d'Il était une fois en Amérique. Gérard Crespo
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1964 - 1h40 - Italie - Scénario : Sergio LEONE, Clint EASTWOOD, Duccio TESSARI - Interprétation : Marianne KOCH, Clint EASTWOOD, Gian Maria VOLONTÉ, Margarita LOZANO, Mario BREGA, Aldo SAMBRELL. |