Tale of tales |
Les fantaisies héroïques Grand Prix du Jury pour Gomorra en 2008, puis pour Reality en 2012, Matteo Garrone adapte ici librement le Pentamerone de l'écrivain italien Giambattista Basile. Ce recueil de textes publié au XVIIe siècle avait déjà inspiré il y a vingt-cinq ans le réalisateur d'animation russe Youri Norstein. Tale of Tales combine les structures du film à sketches et de l'œuvre chorale, trois récits indépendants étant imbriqués, l'ensemble des protagonistes ne se retrouvant qu'à l'occasion d'une scène de mariage finale. On y suit d'abord les mésaventures d'un couple royal (John C. Reilly et Salma Hayek). Obsédés par leur désir d'enfant, ils sont obligés de s'en remettre à la sorcellereie et d'affronter un monstre marin... Le second récit se focalise autour d'un roi fornicateur et libertin (Vincent Cassel), piégé par deux vieilles lavandières miséreuses, dont l'une se fait passer pour une jeune demoiselle. La troisième histoire est centrée sur un monarque captivé par un étrange animal, et qui sacrifiera sa fille, retenue prisonnière par un ogre. Le point commun avec les précédents films de Garrone semble être la profusion des personnages, et le recours à la fable pour peindre une vision assez cruelle des rapports humains. Mais Gomorra et Reality s'inscrivaient davantage dans une veine néoréaliste, le premier sous l'angle de la dénonciation politique et le second par le biais de la comédie de mœurs. |
Les séquences baroques et démesurées que l'on pouvait déjà déceler dans Reality sont ici plus manifestes, d'autant plus que les récits s'y prêtent. L'heroic fantasy est ainsi assumé et aboutit à des séquences plastiquement élaborées. On retiendra notamment le combat sous-marin ou la rencontre entre le second roi et une mystérieuse inconnue endormie dans la forêt, lors d'une partie de chasse. C'est que le film réussit à combiner fulgurances esthétiques et qualités techniques, utilisant avec bonheur les costumes de Massimo Cantini Parrini, les décors de Dimitri Capuani, la photo de Peter Suschitzky (collaborateur de Cronenberg), les effets spéciaux de Leonardo Cruciano ou la musique d'Alexandre Desplat. Les influences de Garrone sont manifestes, puisqu'on y trouve à la fois le foisonnement visuel du Fellini de Satyricon ou l'aspect trangressif du Decameron de Pasolini. Outre ces classiques du cinéma italien, le film est dans la lignée d'œuvres contemporaines comme Le Labyrinthe de Pan, ce qui n'a sans doute pas échappé à Guillermo del Toro, son réalisateur, membre du Jury à Cannes cette année... Le film de Garrone reste pourtant inférieur à ces modèles, de par un certain kitsch et les lourdeurs d'une production internationale en langue anglaise, qui ternissent un peu la beauté de l'ensemble. Tale of Tales n'en demeure pas moins une réussite qui marque une nouvelle étape dans l'œuvre de Matteo Garrone. Gérard Crespo
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2h05 - Italie, France - Scénario : Matteo GARRONE, d'après les contes de Giambattista Basile - Interprétation : Vincent CASSEL, Salma HAYEK, John C. REILLY, Toby JONES, Shirley HENDERSON. |