Miraï, ma petite sœur |
« Avoir une petite sœur ce n’est pas si terrible… » Kun est un petit garçon à l’enfance heureuse jusqu’à l’arrivée de Miraï, sa petite sœur. Jaloux de ce bébé qui monopolise l’attention de ses parents, il se replie peu à peu sur lui-même. Au fond de son jardin, où il se réfugie souvent, se trouve un arbre « généalo-ma-gique ». Soudain, Kun est propulsé dans un monde fantastique où vont se mêler passé et futur. Il rencontrera tour à tour ses proches à divers âges de leur vie : sa mère petite fille, son arrière-grand-père dans sa trépidante jeunesse et sa petite sœur « de l’avenir », adolescente… Les mangas japonais présentés à Cannes ont suscité des réactions contrastées au sein de notre rédaction, de Marie-Jo Astic expédiant en quelques lignes Ghost in the Shell 2 : Innocence, à Jean-Baptiste Doulcet s’extasiant devant Le Conte de la princesse Kaguya. Miraï, ma petite sœur s’inscrit quant à lui dans une veine consensuelle qui devrait toucher tous les publics. Mamoru Hosoda est l’auteur de plusieurs films d’animation dont Ame et Yuki - Les Enfants Loups et sa suite Le Garçon et la Bête, produits par Chizu, son propre studio créé en 2011. Le début du récit de Miraï, ma petite sœur tout comme sa morale familialiste pourraient donner l’illusion d’un scénario conventionnel voire réactionnaire, le « japanese way of life » décrit par le métrage trouvant des correspondances avec certains récits édifiants des studios Disney. Il n’en est fort heureusement rien et même le modèle familial valorisé par Hosoda (aux antipodes de la communauté déviante dépeinte par Kore-eda dans Une affaire de famille) n’est pas si traditionnel que cela, il suffit d’observer la répartition des tâches dans le couple parental : quand la mère de Kun poursuit son activité professionnelle après la naissance de son deuxième enfant, le père s’installe en freelance et travaille désormais à domicile, une grande partie de son temps étant en fait consacré aux tâches domestiques. |
On ne saurait y voir une simple concession du réalisateur face aux éventuelles critiques pour manque de modernité. Le cinéaste a surtout voulu faire un film pour enfants en abordant une réflexion sur les liens intergénérationnels et fraternels. « J’ai été surpris de constater que, devenu moi-même parent, j’ai dit à mes enfants les mots-mêmes de mes parents contre lesquels je m’étais tant révolté. Qu'est-ce qui se transmet de génération en génération, de nos parents à nous puis de nous à nos enfants ? La chaîne de ces vies, qui finalement se répètent, n'est-elle pas une autre forme de l’éternelle continuité de la vie ? », a précisé le réalisateur qui a ajouté : « Je voudrais également partir des petits éléments de nos vies pour aborder les grands thèmes. En empruntant la méthode du divertissement, j’aimerais en outre explorer une nouvelle forme d'expression qui soit en phase avec les nouvelles formes de famille. Ainsi, bien qu’il n’ait rien de spectaculaire en apparence, ce film est habité par une très grande ambition personnelle ». Et c’est bien sur le plan visuel que Miraï, ma petite sœur séduit le plus. La maison familiale, ni de style japonais ni d’influence occidentale, a été dessinée sans souci de réalisme : elle s’apparente à une scène de théâtre sans cloison et avec des paliers en cascades. L’irruption du rêve marque l’apothéose esthétique d’une œuvre foisonnante, avec ses scènes oniriques (Kun et Miraï planant dans le ciel), ou le recours à des techniques artisanales détournées de leur usage habituel : on citera ici l’emblématique séquence de la gare de Tokyo, où l’employé des objets perdus et l’horloge magique déposée sur sa table ont été créés avec du papier découpé. Après Isao Takahata et Hayao Mihazaki, le cinéma d’animation a trouvé un nouveau grand maître. Gérard Crespo
|
1h38 - Japon - Film d'animation - Scénario : Mamoru HOSODA - Production : STUDIO CHIZU - Distributeur : WILD BUNCH DISTRIBUTION. |