Chris the Swiss |
Dans les ténèbres Croatie, janvier 1992. En plein conflit yougoslave, Chris, jeune journaliste suisse, est retrouvé assassiné dans de mystérieuses circonstances. Il était vêtu de l’uniforme d’une milice étrangère. La réalisatrice Anja Kofmel était sa cousine. Petite, elle admirait ce jeune homme ténébreux. Devenue adulte, elle décide d'enquêter pour découvrir ce qui s’est passé et comprendre l'implication réelle de Chris dans un conflit manipulé par des intérêts souvent inavoués… Anja Kofmel, diplômée de la Haute École de design et d’art de Lucerne et de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, avait réalisé quatre courts métrage d’animation. Son projet de premier long n’était pas évident sur le papier, puisqu’elle a décidé d’aborder un sujet personnel et sensible (la mort d’un proche), tout en greffant un contexte historique et politique et en mêlant documentaire et animation. À mi-chemin de la démarche intimiste d’Éric Caravava dans Carré 35 et des audaces visuelles d’Ari Folman avec Valse avec Bachir, l’œuvre est une réussite et la confirmation d’un réel talent. Chris the Swiss rejoint en outre la liste des meilleurs films ayant abordé, explicitement ou non, la guerre dans l’ex-Yougoslavie, du Regard d’Ulysse de Theo Angelopoulos à Underground d’Emir Kusturica, en passant par Baril de poudre de Goran Paskaljevic. La réalisatrice a très habilement alterné des images d’archives et des entretiens avec des membres de sa famille ainsi que des protagonistes qui avaient côtoyé son cousin : les journalistes de guerre Heidi Rinke (autrichienne) et Julio César Alonso (espagnol), ou l’ancien membre de milice Alejandro Hernandez Mora. Étrange destinée que celle de Christian Würtenberg, qui à l’âge de dix-sept ans avait rejoint un groupe armé en Namibie, avant d’être rapatrié en Suisse où il suivit une formation de reporter. |
Après avoir couvert la guerre en ex-Yougoslavie, il a voulu rejoindre le PIV, une brigade croate pour combattants et mercenaires de tous les pays, cautionnée par les forces combattantes officielles, et composée d’ultra catholiques d’extrême droite, aux méthodes sanguinaires. Chris a-t-il été infiltré en tant qu’espion par les autorités suisses, comme l’affirme le terroriste Carlos, contacté par téléphone ? A-t-il voulu passer à l’action après avoir vu les crimes commis contre la population civile croate ? Ou a-t-il souhaité approfondir son travail journalistique en intégrant des combattants, avant d’être victime de son souci éthique de rendre compte de toutes les horreurs ? Le travail d’investigation d’Anja Kofmel est passionnant et la réalisatrice a le mérite de n’écarter aucune éventualité, au-delà du souvenir affectif d’un cousin qu’elle idéalisait dans son enfance. Les séquences d’animation, dans un beau noir et blanc, loin d’être artificielles, tentent d’imaginer l’existence de Chris en Croatie, et comblent le vide lié au manque d’informations sur le parcours du jeune homme, tout en représentant les atrocités dans un onirisme suggestif qui dévoile une poésie discrète mais morbide. « L’histoire de mon cousin me conduit dans un monde inquiétant dominé par les hommes, qui attisent la haine et intimident la population pour assouvir leur soif de pouvoir. Elle me montre à quel point les structures de notre société sont fragiles, comme il en faut peu pour saper une cohabitation paisible, pas seulement dans l’ancienne Yougoslavie, mais partout dans le monde ». Ces propos d’Anja Kofmel sont en cohérence avec l’impression dégagée à la vision de son émouvant document.
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1h25 - Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande - Documentaire - Film d'animation - Scénario : Anja KOFMEL - Distributeur : URBAN. |