Capharnaüm |
« Salauds de pauvres ! » |
Les séquences centrales qui voient Zain s’occuper d’un bébé africain abandonné par sa mère dénotent un sens réel de la narration, et les déambulations des deux gosses dans les rues malfamées de Beyrouth sont traitées avec une rigueur quasi-documentaire que l’on aurait aimé trouver tout au long du métrage. Au lieu de cela, la réalisatrice préfère attendrir le public avec des gros plans sur un bambin filmé avec la même joliesse que les animaux dans les productions Disney, et multiplie les grossièretés de mise en scène, surtout dans la dernière partie : situations lacrymales, ralentis chichiteux, surcharge musicale. Mais c’est surtout par son propos scandaleusement réactionnaire et son absence d’analyse politique et socio-économique que ce film donneur de leçons est déplaisant. Ces « salauds de pauvres » sont décidément bien incapables d’élever convenablement leurs enfants, des fillettes mariées avant même leur puberté aux gamins de rue livrés à eux-mêmes, en passant par la violence parentale, assène la réalisatrice sans la moindre gêne. En substance, le contrôle des naissances ne peut être que la solution pour résorber le cercle vicieux de l’irresponsabilité parentale et de la pauvreté. Au secours, Malthus revient ! Loin de la finesse d’Une affaire de famille ou d’Ayka, autres œuvres de la compétition officielle traitant des déviances familiales et de la pauvreté, Capharnaüm est un douloureux ratage qui confirme que les bonnes intentions (mais sont-elles vraiment bonnes ?) ne suffisent pas à faire les bons films. Gérard Crespo
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2h30 - Liban - Scénario : Nadine LABAKI, Jihad HOJEILY - Interprétation : Zain ALRAFEA, Nadine LABAKI, Yordanos SHIFERA, Fadi YOUSSEF. |