Caramel
de Nadine Labaki
Quinzaine des réalisateurs
palme



Quel est l’endroit, dans le Liban d’aujourd’hui, avec le poids des traditions, de l’opposition Orient/Occident, du machisme persistant et de la culpabilité du plaisir voire du bonheur, quel est l’endroit donc, où l’on peut confier son homosexualité féminine latente, son désir de recoudre l’hymen avant un mariage musulman imminent, prendre des rendez-vous amoureux avec un homme marié, parler de sexe sans honte ou encore solliciter le coup de foudre après soixante-cinq ans ?…
Le salon de coiffure et d’esthétique bien sûr ! Tel un Venus Beauté plus enjoué et en même temps plus profond, le premier film de Nadine Labaki, Caramel, utilise la comédie légère et la dérision pour exposer les souffrances de la femme libanaise, encore terriblement sous le joug de l’hypocrisie du système traditionnel oriental, face au modèle de modernité occidental.
Cinq femmes d’âges différents vont ainsi se croiser régulièrement dans un institut de beauté à Beyrouth, lieu féminin par excellence, métonymique de leur émancipation. En même temps que ces femmes mettent leurs corps à nu afin de recevoir le "Caramel" pour l’épilation, elles se déshabillent affectivement grâce à la confiance qui habite le salon.


Layale, interprétée par la très belle Nadine Labaki herself, est une femme de trente ans, propriétaire des lieux, chrétienne très attachée à sa religion et à sa famille qu’elle ne veut décevoir. Elle devra vivre ses contradictions en tombant amoureuse d’un homme marié dont elle devient la maîtresse. Nisrine travaille aussi au salon. Elle prépare son mariage avec un musulman qui ne sait pas qu’elle n’est plus vierge… Rima, shampouineuse garçon manqué, silencieuse et introvertie, mais au caractère trempé, ne restera pas insensible aux charmes féminins d’une cliente qui deviendra fidèle… Jamale, sans âge ni confession déterminés, promène ses frustrations avec elle en fréquentant les castings et en camouflant sa ménopause. Enfin, il y a Rose la couturière, qui laissera passer, à soixante-cinq ans, l’amour de Charles, le Français, pour continuer d’apporter à sa vieille sœur Lili un peu folle, son amour sacrificiel.
Éclairé par une très belle lumière, chaude et caressante, la mise en scène de Nadine Labaki, sobre mais efficace, est servie par des actrices (en majorité non professionnelles) charnellement très présentes et au ton juste. Tonalité que relève aussi la musique, là encore mélange alchimique entre Orient et Occident, du compositeur (et futur mari de la réalisatrice) Khaled Mouzanar.

Jean Gouny


1h35 - Liban / France - Scénario : Nadine Labaki, Jihad Hojeily, Rodney Al Haddad - Photo : Yves Sehnaoui - Décors : Cynthia Zahar - Musique : Khaled Mouzanar - Montage : Laure Gardette - Son : Pierre-Yves Lavoué, Hervé Guyader, Emmanuel Croset - Interprétation : Nadine Labaki, Yasmine Al Masri, Joanna Moukarzel, Gisèle Aouad, Adel Karam, Siham Haddad, Aziza Semaan, Fatme Safa, Dimitri Stancofski, Fadia Stella, Ismail Antar

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