Le Musée des merveilles
Wonderstruck
de Todd Haynes
Sélection officielle
En compétition








Les petites fugues

Todd Haynes avait été remarqué au Festival de Cannes avec les fulgurances baroques et musicales de Velvet Goldmine et le touchant mélodrame Carol. Wonderstruck synthétise ces deux tendances et marque la première collaboration du cinéaste avec l'écrivain pour enfant Brian Selznick, qui avait déjà travaillé avec Martin Scorsese pour le scénario adapté de Hugo Cabret. Autant dire que le présent film est également fidèle au livre de Selznick, puisque l'artiste s'est adapté lui-même en participant au scénario. L'ouvrage qui alliait photos, dessins et mots, trouve ainsi un prolongement dans une œuvre au charme certain mais purement illustrative, axée sur deux piliers narratifs. En 1927, Rose, une enfant sourde, s'enfuie de sa famille d'accueil pour se rendre à New York, où elle compte rejoindre sa mère, une diva du cinéma muet déclinant qui se produit également à Broadway. En 1977, le jeune Ben, devenu accidentellement malentendant, s'enfuit lui aussi à New York à la recherche d'un père qu'il n'a jamais connu. Le musée d'histoire naturelle de New York fera la jonction entre les deux récits et permettra de reconstituer le puzzle de deux histoires qui n'en font qu'une... Alternant noir et blanc et couleur, dialogues et séquences muettes, l'auteur de Loin du paradis, estampillé grand styliste du cinéma américain, joue sur le contraste des époques et les correspondances entre les deux segments qui se télescopent.

Rose et Ben, isolés de leur véritable famille, sont contraints de s'émanciper et de s'ouvrir sur le monde. Leur parcours initiatique est à l'origine d'un joli conte qui fait la part belle aux références littéraires et cinématographiques, des romans de Dickens à l'épure des films de Victor Sjöström, implicitement cité avec un film similaire au Vent (1928), d'autant plus que le personnage de la mère de Rose évoque sans aucun doute Lillian Gish. Sur les plans technique et artistique, le film tient la route et remplit son contrat, des costumes de Sandy Powell à la photo d'Edward Lachman, en passant par la grâce des jeunes Millicent Simmonds et Oakes Fegley et le métier impeccable des radieuses Michelle Williams et Julianne Moore, cette dernière étant fidèle au réalisateur depuis Safe. Reste que le film n'échappe pas à une mièvrerie ambiante, amplifiée par la partition musicale sirupeuse de Carter Burwell. On a connu Todd Haynes plus inspiré, et le caractère quelque peu convenu de la commande donne parfois au film l'académisme du Spielberg des mauvais jours, plus que la grâce créative de I'm Not There. Et si l’œuvre ne manque certes pas de féerie, la roublardise de certains procédés situe le réalisateur dans la veine du Michel Hazanavicius de The Artist plus que dans celle d'un authentique créateur.

Gérard Crespo


2h - États-Unis - Scénario : Brian SELZNICK, d'après son roman - Interprétation : Oakes FEGLEY, Millicent SIMMONDS, Julianne MOORE, Michelle WILLIAMS, Cory Michael SMITH, Jaden MICHAEL.

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