Visages, villages
de Agnès Varda, JR
Sélection officielle
Hors compétition

Œil d'or








L’une filme et photographie, l’autre aussi…

Ce touchant documentaire évoque la rencontre et l’amitié entre Agnès Varda, quatre-vingt-neuf printemps, égérie de la Nouvelle Vague, photographe du Théâtre National Populaire et documentariste culte, et JR, jeune artiste de trente-quatre ans. Grâce à la technique du collage photographique, il a exposé librement sur les murs de la planète, popularisant un art dans une frange de la population qui ne fréquente pas usuellement les musées. Or, Agnès Varda avait réalisé Murs murs, sur les peintures murales d’ouvriers mexicains à Los Angeles, et elle a toujours été proche de la France des terroirs et du peuple, qu’elle a filmée dans ses documentaires (Les Glaneurs et la glaneuse, Les Plages d’Agnès), mais aussi dans la superbe fiction Sans toit ni loi, avec Sandrine Bonnaire. Il n’est donc pas surprenant que ces deux artistes aient décidé d’allier leur passion en parcourant les routes de France avec un camion photographique. Film constitutif d’un lien intergénérationnel entre deux cinéastes, Visages, villages est en premier lieu un hommage digne à ces habitants ordinaires, empreint d’humanité, loin de la beauferie des journaux télévisés de TF1 présentés par Jean-Pierre Pernault ou des études de sociologie électorale montrant une percée regrettable de l’extrême droite dans les petites communes. Et en donnant la parole à ces nobles anonymes (ancien mineur, serveuse, ingénieur, facteur, éleveuse de chèvre, garagiste, maire…), le film de Varda et JR est une belle leçon de bienveillance et de partage, qui n’exclut pas l’humour, le photographe n’hésitant pas inciter les autorités policières à envoyer leurs contraventions à Madame Agnès Varda…

« Chacun de nous avait parfois un contact quelque part dans un village ou une envie de quelque chose. Donc, on allait voir. Comme toujours dans le documentaire, parce que j’en ai beaucoup fait, on a une idée, et très vite, le hasard, les rencontres, les contacts font que tout à coup, cela se cristallise sur quelqu’un, ou sur un endroit. En fait, on engage le hasard, on l’engage comme assistant ! », a déclaré Agnès Varda. Et JR d’ajouter : « On engage aussi la vie, puisque le film est aussi l’histoire de notre rencontre. On s’est découverts sur la route à travers le projet, dans l’exercice finalement amusant de travailler en duo. J’apprends à comprendre un peu plus Agnès, ce qu’elle voit, comment elle le voit, et elle aussi cherche à comprendre ma démarche d’artiste ». C’est qu’une réelle complicité relie ces deux-là, au-delà de leurs différences d’âge et de culture. On appréciera en particulier les allusions au thème de la vieillesse et de la décrépitude, la vue affaiblie et les difficultés à se déplacer d’Agnès Varda étant à l’origine de plusieurs séquences en état de grâce, de la traversée du Louvre en fauteuil roulant à la référence explicite à Cléo de 5 à 7. Varda et JR n’hésitent pas non plus à casser du mythe, à l’instar de ce passage mélancolique où ce « salopard de Godard » ose poser un lapin à la grande dame, écho au regard posé sur le cinéaste par Michel Hazanavicius dans Le Redoutable. Au final, Visages, villages a été l’une des plus belles réussites présentées hors-compétition à Cannes 2017.

Gérard  Crespo


1h30 - France - Documentaire - Production : CINÉ-TAMARIS - Distribution : LE PACTE.

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