Impitoyable |
Pour une dernière poignée de dollars |
Si Munny en vient à poursuivre les hommes qui ont balafré la prostituée, le cinéaste ne cherche pas à le glorifier. Il n’est d’ailleurs pas exempt de zones d’ombre, puisque l’ancien tueur transformé en père de famille bienveillant n’est pas présenté en modèle de rédemption. Veuf éploré, il refuse de coucher avec les filles du bordel mais s’empresse d’accepter leur argent pour redevenir, le temps d’une mission, tueur à gages, ce qui lui permettra d’améliorer le confort de sa petite exploitation d’élevage de porcs. Face à lui, le shérif Little Bigg Dagett (Gene Hackman) représente un pouvoir corrompu et abusif, usant de la violence à des fins peu avouables. Eastwood montre un certain désenchantement face à la société américaine, prise dans un engrenage de rancœurs, et incapable de maintenir un ordre social et juridique stable. Mais Impitoyable frappe surtout par l’épure de sa narration et la sobriété de son dispositif, dans la lignée du cinéma de John Ford, Eastwood contournant tout artifice, même si les personnages connaissent une évolution par rapport à ceux de l’âge d'or de Hollywood. Munny est vieux et a du mal à remonter un cheval, quand son acolyte Ned Logan (Morgan Freeman) peine à viser juste avec son fusil, le jeune Schofield Kid souffrant quant à lui d’une myopie qui le range d’emblée dans les anti-héros. Ce petit monde ne dit pas non aux coups bas, abattant de sang froid un homme désarmé, et poursuivant un ennemi jusqu’aux pissotières, quand Henry Fonda dans Le Retour de Frank James ou Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur se paraient d’une fragilité émotionnelle pour l’un, ou d’une cruauté élégante pour l’autre. Eastwood reste cependant adepte d’un cinéma classique dans le sens où si les personnages dérapent, le film quant à lui ne vise ni la déconstruction narrative, ni la démystification réelle de légende, contrairement à des westerns aussi divers que Little Big Man d’Arthur Penn ou Django Unchained de Quentin Tarantino. Ce grand classique des années 90 reçut quatre Oscars mérités dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Vingt-cinq après sa sortie, il se revoit avec la même fascination.
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1992 - 2h11 - États-Unis - Scénario : David WEBB PEOPLES - Interprétation : Clint EASTWOOD, Gene HACKMAN, Morgan FREEMAN, Richard HARRIS, Jaimz WOOLVETT, Saul RUBINEK, Frances FISHER, Anna THOMSON. |