Impitoyable
Unforgiven
de Clint Eastwood
Sélection officielle
Cannes Classics






Pour une dernière poignée de dollars

Le remastering 4K a été réalisé à partir d’un scan 4K du négatif original. Le mastering a été fait chez Warner Bros. Motion Picture Imaging. L’étalonnage a été effectué par Ray Grabowski, sous la supervision du chef monteur Joel Cox.

Clint Eastwood dont le western Impitoyable a été projeté dans la section Cannes Classics a par ailleurs dispensé une leçon de cinéma attendue par de nombreux cinéphiles. Le cinéaste et acteur, Palme d’or d’honneur en 2009, était venu à plusieurs reprises sur la Croisette. Bird avait valu le prix d’interprétation masculine à Forest Whitaker en 1988, et le réalisateur avait été en compétition officielle avec Pale Rider (1985), Chasseur blanc, cœur noir (1990), Mystic River (2003) et L’Échange (2008). Il avait par ailleurs présidé le Jury qui avait octroyé la Palme d’or à Pulp Fiction en 1994.

Kansas 1880. William Munny, redoutable hors-la-loi reconverti dans l'élevage va, à la demande d'un jeune tueur, reprendre du service pour venger une prostituée défigurée par un cow-boy sadique… Sommet dans la filmographie de Clint Eastwood, Impitoyable, western crépusculaire, représente la quintessence d’un certain classicisme hollywoodien. Le cinéaste, acteur principal et producteur du film, a certes collaboré avec le scénariste David Webb Peoples, qui s’était distingué par le récit de Blade Runner. Mais Eastwood est bien celui qui a le plus porté cette tragédie de l’Ouest. William Munny est d’abord dans la continuité de ses personnages de loup solitaire et torturé, décidé à contourner la loi des hommes pour mieux appliquer sa conception de la justice. C’était déjà le cas des compositions d’Eastwood dans les films de Sergio Leone (Pour une poignée de dollars) ou Don Siegel (L’Inspecteur Harry), mais aussi dans Pale Rider, le cavalier solitaire, qu’il avait réalisé en 1985. On retrouve aussi cette méditation sur la vieillesse et le temps qui passe, qui fut celle de HonkyTonk Man (1983), et un portrait d’individu fidèle à ses valeurs, en dépit d’une tendance à l’autodestruction, dans le prolongement du génie musical de Bird. On aurait tort de voir dans Impitoyable la banalisation d’une idéologie de l’autodéfense, reproche longtemps formulé à l’encontre du cinéaste dans les années 70.

Si Munny en vient à poursuivre les hommes qui ont balafré la prostituée, le cinéaste ne cherche pas à le glorifier. Il n’est d’ailleurs pas exempt de zones d’ombre, puisque l’ancien tueur transformé en père de famille bienveillant n’est pas présenté en modèle de rédemption. Veuf éploré, il refuse de coucher avec les filles du bordel mais s’empresse d’accepter leur argent pour redevenir, le temps d’une mission, tueur à gages, ce qui lui permettra d’améliorer le confort de sa petite exploitation d’élevage de porcs. Face à lui, le shérif Little Bigg Dagett (Gene Hackman) représente un pouvoir corrompu et abusif, usant de la violence à des fins peu avouables. Eastwood montre un certain désenchantement face à la société américaine, prise dans un engrenage de rancœurs, et incapable de maintenir un ordre social et juridique stable. Mais Impitoyable frappe surtout par l’épure de sa narration et la sobriété de son dispositif, dans la lignée du cinéma de John Ford, Eastwood contournant tout artifice, même si les personnages connaissent une évolution par rapport à ceux de l’âge d'or de Hollywood. Munny est vieux et a du mal à remonter un cheval, quand son acolyte Ned Logan (Morgan Freeman) peine à viser juste avec son fusil, le jeune Schofield Kid souffrant quant à lui d’une myopie qui le range d’emblée dans les anti-héros. Ce petit monde ne dit pas non aux coups bas, abattant de sang froid un homme désarmé, et poursuivant un ennemi jusqu’aux pissotières, quand Henry Fonda dans Le Retour de Frank James ou Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur se paraient d’une fragilité émotionnelle pour l’un, ou d’une cruauté élégante pour l’autre. Eastwood reste cependant adepte d’un cinéma classique dans le sens où si les personnages dérapent, le film quant à lui ne vise ni la déconstruction narrative, ni la démystification réelle de légende, contrairement à des westerns aussi divers que Little Big Man d’Arthur Penn ou Django Unchained de Quentin Tarantino. Ce grand classique des années 90 reçut quatre Oscars mérités dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Vingt-cinq après sa sortie, il se revoit avec la même fascination.

Gérard Crespo



 

 


1992 - 2h11 - États-Unis - Scénario : David WEBB PEOPLES - Interprétation : Clint EASTWOOD, Gene HACKMAN, Morgan FREEMAN, Richard HARRIS, Jaimz WOOLVETT, Saul RUBINEK, Frances FISHER, Anna THOMSON.

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