« Les singes »
Sans s'apesentir outre mesure sur la difficulté dans laquelle a dû plonger Sean Penn ce formidable Echange de son compatriote, disons-le largement supérieur à lui que ce soit en tant qu'acteur ou que réalisateur, on ne peut que déplorer la piteuse place de dédouanement que cette œuvre occupe au palmarès.
Le président du jury avait annoncé la couleur d'une récompense s'accordant à l'air du temps, et L'Echange, bien que prenant place à la fin des années 20, s'y inscrivait pourtant bel et bien.
Scénario et dialogues, photographie, décors, musique – by Eastwood himself –, montage, interprétation s'allient pour rejoindre la réalisation et placer l'ensemble au niveau de l'excellence.
De facture faussement “classique”, le film met en scène Christine, mère assumant seule sa vie et celle de Walter, neuf ans, célibataire par le seul fait que le père ait en son temps décliné toute responsabilité à réception d' un « colis » trop pesant pour lui.
De travail (superbes scènes où Christine sillonne avec élégance en patins à roulettes le central téléphonique de Los Angeles) en école, où Walter s'épanouit, tout se déroule au mieux, jusqu'au jour où un bus
raté les propulsera tous deux en enfer.
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Sur fond d'enlèvement de cet enfant, compensé avec acharnement par la “livraison” d'un enfant de substitution, Eastwood fait le procès d'une police, qui tente par les moyens les plus inavouables de redorer une aura profondément et durablement ternie par son incapacité, sa corruption, son inanité.
L'internement psychiatrique, qui fera passer Christine de code 12 pour ceux qui dénoncent les pratiques policières au code 19 où les renoncements sont extorqués à coup d'électrochocs, n'aura pas raison des certitudes que Christine éprouve dans sa chair. Et il faudra que le pire soit enfin révélé pour que la superbe de son arrogant tortionnaire entame son déclin.
Marie-Jo Astic
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