Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête
de Ilan Klipper
Acid






« À l’avenir, chacun aura son quart d’heure de célébrité mondiale. » Andy Warhol

Bruno a publié un fougueux premier roman en 1996. La presse titrait : « Il y a un avant et un après Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête ». Vingt ans plus tard, Bruno a cinquante ans. Il est célibataire, n’a pas d’enfants, et vit en colocation avec une jeune Femen. Il se lève à quatorze heures et passe la plupart de ses journées en caleçon à la recherche de l’inspiration. Pour lui tout va bien, mais ses proches s’inquiètent... « Ce qui m’amusait, en premier lieu, c’était de raconter comment je travaille. Dans un processus de création, on mélange des choses qu’on a vécues, d’autres qu’on a vues à la télévision ou qu’on a lues, d’autres enfin qu’on a totalement imaginées... Tout cela est là, en permanence, en train de tourner en rond dans sa tête, jusqu’au jour où on se décide à le coucher sur du papier », précise Ilan Klipper. Sans être à proprement parler autobiographique, le film renvoie à beaucoup d’éléments personnels d’un réalisateur qui s’était fait connaître par des courts métrages sur l’enfermement. Son premier long est dans sa première heure une bouffée d’air frais, un cinéma en liberté comme l’aime l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion. Loser magnifique, Bruno a un lien de parenté avec un personnage de Woody Allen que l’on aurait retrouvé dans un univers à mi-chemin des ambiances du Resnais de Providence et du Lynch de Lost Highway. Autant dire que la conscience de l’ex-jeune écrivain prodige est en ébullition et que le métrage propose une réflexion culottée sur les aléas du processus créatif.

Pourtant, Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête se différencie de ces modèles en optant pour la comédie loufoque et la sitcom sous acide, genres que l’on n’aurait a priori pas associés à cette thématique. Car l’arrivée inopinée des parents de Bruno accompagnés d’une mystérieuse inconnue, et bientôt rejoints par l’ex-femme et le meilleur pote de l’artiste, va être à l’origine de quiproquos énormes et d’un comique de situation explosif, autour de ce qu’on l’on pourra assimiler à une psychothérapie de groupe. Et là le réalisateur dresse un portrait incisif des rapports humains : hypocrisie des anciens liens amicaux, regrets affectifs, cruauté des modes artistiques et du monde de l’édition, tout en cernant avec acuité le décalage entre le mode de vie de l’artiste et un ordre socio-économique en attente de conformisme et de rentabilité. Incarnant Bruno avec un ton décalé et ironique, Laurent Poitrenaux porte le film sur ses épaules, après avoir été un second rôle remarqué dans Rodin de Jacques Doillon ou Victoria de Justine Triet. Reste que la mécanique d’Ilan Klipper semble tourner à vide dans sa dernière partie, les vociférations des protagonistes et l’hystérie ambiante donnant la sensation d’assister à un récit excessivement foutraque et redondant. Cette réserve empêche d’adhérer complètement à une œuvre ambitieuse et hors des sentiers battus du cinéma indépendant.

Gérard Crespo



 

 


1h17 - France - Scénario : Ilan KLIPPER - Interprétation : Laurent POITRENAUX, Camille CHAMOUX, Alma JODOROWSKY, Michèle MORETTI, François CHATTOT, Marilyne CANTO, Frank WILLIAMS.

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