Victoria |
Madame porte la culotte Victoria Spick (Virginie Efira), avocate pénaliste en plein néant sentimental, débarque à un mariage où elle retrouve son ami Vincent (Melvil Poupaud) et Sam (Vincent Lacoste), un ex-dealer qu’elle a sorti d’affaire. Le lendemain, Vincent est accusé de tentative de meurtre par sa compagne. Seul témoin de la scène, le chien de la victime. Victoria accepte à contrecœur de défendre Vincent tandis qu'elle embauche Sam comme jeune homme au pair. Le début d’une série de cataclysmes pour Victoria... Il s'agit du second long métrage de Justine Triet, révélée à la section Acid avec La Bataille de Solférino. Disposant d'un budget plus confortable et surtout d'un scénario plus élaboré, la cinéaste gagne en maturité et savoir-faire ce qu'elle perd un peu en spontanéité. Non que Victoria soit une comédie romantique consensuelle et commerciale : le film est au contraire une délicate œuvre d'auteur, décalée et subtile, qui n'est pas sans évoquer le charme des récits des Jeanne Labrune, Laurence Ferreira Barbosa, Noémie Lvovsky, mais aussi Bruno Podalydès ou Philippe Le Guay. Mais il manque cette étincelle qui aurait pu faire de Victoria une éclatante réussite du genre, dans la lignée des œuvres de Sacha Guitry, Blake Edwards ou Eric Rohmer, références explicites de la réalisatrice. On s'attache pourtant aux déboires de cette avocate en borderline, interprétée avec un enthousiasme certain par Virginie Efira. Le film est davantage que le portrait d'une femme active stressée, écartelée entre un boulot passionnant mais épuisant, une vie de famille déstructurée et des aventures sentimentales sans lendemain, thématique d'ailleurs déjà présente dans La Bataille de Solférino. |
Victoria brille surtout par ses quiproquos élaborés, son second degré et sa préciosité post-Nouvelle Vague, ainsi que son habileté à distiller un climat étrange, aux confins de l'absurde (la présence du chien et du chimpanzé au procès). Et mine de rien, cette intrigue fantaisiste en dit beaucoup sur les névroses contemporaines, faisant écho à la démarche de Resnais et Jaoui/Bacri dans On connaît la chanson, tout en s'appropriant et parodiant les codes des films de procès, loin de l'académisme roublard de Christian Vincent dans L'Hermine. « Oui, le film se vit dans l’action autant que par la parole réflexive de Victoria. Un des principes d’écriture a en effet été la répétition de confidences de Victoria aux mauvaises personnes, aux mauvais endroits. Elle parle de ses angoisses professionnelles aux hommes avec lesquels elle devrait coucher, de son ex à une cliente qu’elle devrait défendre, de son deuxième psy à son premier. Il y a souvent un décalage entre le rôle social que les gens sont censés représenter et ce qu’ils font. J’ai cherché à tirer le film du drame vers la comédie et à créer un effet jubilatoire alimenté par ce genre de contradiction », a déclaré Justine Triet, indiscutablement investie dans son projet. On peut aussi porter au crédit de la cinéaste une direction d'acteurs impeccable, y compris pour des seconds rôles croqués avec esprit (succulents Laurent Poitrenaux en ex illuminé et Laure Calamy en juriste tonitruante). Il manque toutefois à Victoria cette profondeur et ce souffle qui aurait permis au film de dépasser le stade d'une copie de bonne élève de festival. Mais ne boudons pas pour autant notre plaisir : cette œuvre mineure fera sourire le spectateur tout au long de la projection, ce qui est déjà beaucoup. Gérard Crespo
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1h30 - France - Scénario : Justine TRIET - Interprétation : Virginie EFIRA, Vincent LACOSTE, Melvil POUPAUD, Laurent POITRENAUX, Laure CALAMY. |