Un petit carrousel de fête
Körhinta
de Zoltán Fabri
Sélection officielle
Cannes Classics







Un vent de liberté

Dans la Hongrie rurale des années 1950, où la collectivisation des terres bouleverse la société, Mari et Máté sont amoureux. Mais le père de la jeune fille, propriétaire terrien conservateur, entend marier sa fille à un riche paysan. Pour vivre leur amour Mari et Máté devront braver les traditions... Ce petit bijou relativement oublié connut un succès international après sa présentation en compétition officielle au Festival de Cannes 1956 et François Truffaut dans un article du Monde s'offusqua qu'il n'ait pas obtenu la Palme d'or... Le film est l'un des plus célèbres du cinéma hongrois et pourtant son auteur, Zoltán Fábri, a moins de notoriété que d'autres grands noms tels Miklós Jancsó (Les Sans-Espoir), Béla Tarr (L'Homme de Londres), ou István Szabó (Mephisto), ce dernier avouant lui devoir une grande dette artistique. Pourtant, le scénario du Petit carrousel de fête, adapté d'un roman, pourrait apparaître comme une énième variation autour du thème des amours contrariés, qui de Roméo et Juliette à Titanic a été source d'inspiration dans la littérature comme au cinéma. La première originalité de l'œuvre est la greffe de cette thématique dans l'univers de la Hongrie communiste, le récit valorisant la suprématie de l'amour sur les contingences de la collectivisation des terres. De jeune fille soumise, Mari devient progressivement rebelle, même si l'on ne saurait parler véritablement de film féministe.

Car Máté va lui aussi transgresser la norme non seulement en condamnant un mariage arrangé mais aussi en osant critiquer l'organisation bureaucratique d'une coopérative inefficace et mal administrée. Il fallait un certain courage pour montrer cela dans un film d'Europe de l'Est de l'après-guerre, et l'on est surpris que les autorités hongroises aient souhaité sélectionner le métrage pour le Festival de Cannes (n'oublions pas qu'à l'époque, il n'y avait pas de comité de sélection cannois, les pays étaient seuls compétents pour choisir les films qui devaient les représenter). Mais si la découverte de Un petit carrousel de fête suscite un réel plaisir, c'est par sa mise en scène d'une gracieuse élégance, à l'image ce cette séquence récurrente du carrousel : la jeune fille s'envole sur le manège, ivre d'un bonheur furtif, et la ronde de l'attraction trouvera un écho dans la danse surmenée des fiancés. L'effet de style sera ici audacieux, avec une suggestion subtile du désir physique et de l'extase. Si plastiquement d'autres scènes sembleront plus classiques (on songe au travail artisanal soigné d'un Autant-Lara plus qu'aux artistes novateurs comme Antonioni dont se réclamait Fábri), l'œuvre est une grande réussite, magnifiée par l'interprétation de la délicate Mari Töröcsik, actrice prestigieuse du cinéma hongrois, que l'on reverra dans Amour de Károly Makk.


Gérard Crespo



 

 


1956 - 1h30 - Hongrie - Scénario : Zoltán FABRI, László NÁDASY, d'après le roman de Imre SARKADI - Interprétation : Mari TÖRÖCSIK, Imre SOOS, Ádám SZIRTES, Béla BARSI, Manyi KISS.

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