En quatrième vitesse
Kiss Me Deadly
de Robert Aldrich
Sélection officielle
Cannes Classics
Cinéma de la Plage









Apocalypse soon

Le détective privé Mike Hammer (Ralph Meeker) enquête sur la mort d'une jeune femme (Cloris Leachman) qu'il a connue furtivement. Ses investigations le mènent vers des enjeux qui le dépassent... Après le succès remarqué de plusieurs films dont Vera Cruz, Robert Aldrich se lança dans cette série B audacieuse, épaulé par le scénariste A.I. Bezzarides qui adapta ici un roman policier de Mickey Spillane. Aldrich et Bezzarides n'ont gardé de la trame initiale du polar que ses grandes lignes, le trafic de drogues dont il est question dans le livre disparaissant au profit d'un complot aux dimensions bien plus inquiétantes. Le détective Mike Hammer, sombre et désabusé, est bien éloigné du romantisme sec qu'un Bogart incarnait dans les thrillers de Huston ou Hawks, même s'il en partage le cynisme ironique. De la mystérieuse apparition nocturne d'une inconnue sur une route à un final apocalyptique, En quatrième vitesse multiplie les séquences singulières et novatrices, tout en s'inscrivant dans les conventions du film noir hollywoodien : éclairages expressionnistes (superbe photo d'Ernest Laszlo), narration avec fausses pistes, musique évocatrice (la chanson I'd Rather Have the Blues interprétée par Nat King Cole), décors familiers (night-clubs enfumés), personnages emblématiques du genre. On trouvera bien les méchants charismatiques (Albert Dekker, Paul Stewart), les seconds couteaux minables (Jack Elam), sans oublier les séductrices brunes (Maxine Cooper) ou blondes (Marian Carr), dans la lignée des Gene Tierney ou Veronika Lake.

Au-delà des codes hollywoodiens incontournables dans ce type de production, Robert Aldrich insuffle à son film un rythme haletant, avec une économie de moyens et un sens de la suggestion qu'un Jacques Tourneur déployait dans le cinéma fantastique. Cette sobriété n'exclut pas certains scènes choquantes pour l'époque, et l’œuvre annonce la violence des polars des décennies suivantes, réalisés par Don Siegel ou Sam Peckinpah. On notera aussi une dénonciation implicite du maccarthysme et de sa « chasse aux sorcières », et une volonté manifeste de témoigner de l'autre paranoïa ambiante des années 1950, à savoir la peur du nucléaire.

Accueilli tièdement aux États-Unis, En quatrième vitesse reçut les éloges des Cahiers du Cinéma qui décelèrent en Aldrich le digne héritier du Welles de La Dame de Shanghai. On peut d'ailleurs penser que le montage percutant de ce polar a influencé les cinéastes de la Nouvelle Vague, à commencer par Jean-Luc Godard pour À bout de souffle. Des réalisateurs américains contemporains en ont quant à eux fait une référence primordiale, de Quentin Tarantino avec Pulp Fiction à David Lynch pour Mulholland Dr. Plus de soixante ans après sa sortie, cette perle noire séduit toujours le cinéphile, conquis dès son prologue vertigineux.

Gérard Crespo




 

 


1955 - 1h46 - États-Unis - Scénario : A.I. BEZZERIDES, d'après le roman de Mickey Spillane - Interprétation : Ralph MEEKER, Marian CARR, Julio HERNANDEZ, Albert DEKKER, Wesley ADDY, Paul STEWART, Clovis LEACHMAN, Maxine COOPER, Fortunio BONANOVA. Jack ELAM, Srother MARTIN, Gaby ROGERS, Charles LANE.

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