Dheepan
de Jacques Audiard
Sélection officielle
En Compétition

Palme d'or


Sortie en salle : 26 août 2015




Le Tigre de banlieue

Dheepan est un combattant de l'indépendance tamoule, un Tigre. La guerre civile touche à sa fin au Sri Lanka, la défaite est proche, Dheepan décide de fuir. Il emmène avec lui une femme, Yalini, et une petite fille, Illayaal, qu'il ne connaît pas, espérant ainsi obtenir plus facilement l'asile politique en Europe. Arrivée à Paris, cette « famille » vivote d'un foyer d'accueil à l'autre, jusqu'à ce que Dheepan obtienne un emploi de gardien d'immeuble en banlieue. Il espère y bâtir une nouvelle vie et construire un véritable foyer pour sa fausse famille. Bientôt cependant, la violence quotidienne de la cité fait ressurgir les blessures encore ouvertes de la guerre. Le soldat Dheepan va devoir renouer avec ses instincts guerriers pour protéger ce qu'il espérait voir devenir sa « vraie » famille...

C'est le premier long métrage de Jacques Audiard tourné sans vedettes, si l'on excepte Un Prophète, qui avait propulsé très vite Tahar Rahim en tête d'affiche. Pour interpréter Dheepan, le cinéaste a fait appel à Antonythasan Jesuthasan, écrivain et comédien de pièces traditionnelles, lui même enrôlé à l'âge de seize ans par les Tigres de Libération de l'Ilam Tamoul. Le rôle de Yalini est tenu par Kalieaswari Srinivasan, qui a travaillé pour plusieurs compagnies indiennes. Aidé de son fidèle scénariste Thomas Bidegain, Audiard a bâti un récit efficace, qui débute comme un drame de l'immigration avant de glisser vers la chronique sociale et prendre progressivement une tournure policière. Le cinéaste filme en effet la banlieue parisienne comme un décor de thriller, sans chercher à donner un vernis réaliste à ses situations et personnages. Alors qu'Un prophète pouvait sembler une étude approfondie du milieu carcéral, Dheepan préfère se centrer sur une étude psychologique.

Audiard s'attache en effet à cerner l'adaptation de deux étrangers à un univers difficile dont ils ne comprennent pas les codes. Le choc éprouvé par Dheepan et Yalini est ainsi plus proche du malaise éprouvé par Stéphanie (Marion Cotillard), qui devait entamer une nouvelle vie après son tragique accident (De rouille et d'os). Certains ont été décontenancés par le schématisme des rapports sociaux décrits dans le film, le trafic des dealers étant à leurs yeux trop apparent. Les mêmes ont cru déceler une vision réactionnaire et hautaine du problème de la violence dans les cités, le réalisateur opposant leur zone de non-droit à une idéalisation de la société anglaise, havre de paix et éden professionnel et familial. Les reproches ne nous semblent pas fondés, tant Audiard ne joue pas ici dans le registre de la radioscopie politique et sociologique mais celui de la pure fiction, malgré les apparences d'une approche documentaire. C'est un peu comme si l'on accusait Mad Max : Fury Road de véhiculer une idéologie fasciste et primitive... Dheepan n'est pourtant pas exempt de défauts, dont des invraisemblances manifestes de scénario, à commencer par la facilité avec laquelle Dheepan trouve un emploi, certes d'une forme très particulière... Le cinéaste est plus à son avantage dans le traitement de l'irruption de la violence, retrouvant dans la dernière partie le dynamisme et le souffle lyrique déployés il y a dix ans dans De battre mon cœur s'est arrêté. Et il est incontestable qu'il est un directeur d'acteurs hors pair, en particulier pour les seconds rôles, dont Vincent Rottiers en jeune terreur du quartier. On reste donc partagé devant ce nouvel opus, et il peut paraître surprenant que la Palme d'or ait été attribuée à un film estimable mais somme toute mineur dans la filmographie du cinéaste.

Gérard Crespo

 



 

 


1h49 - France - Scénario : Jacques AUDIARD, Noé DEBRE, Thomas BIDEGAIN - Interprétation : ANTONYTHASAN Jesuthasan, Kalieaswari SRINIVASAN, Claudine VINASIRHAMBY, Vincent ROTTIERS, Marc ZINGA.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS