Depardieu grandeur nature |
Quand j'étais acteur Photographe et ami de Gérard Depardieu, auquel il avait consacré un album aux éditions Flammarion, Richard Melloul dresse ici un portrait concis mais intéressant qui devrait, si besoin est, revaloriser la cote d'un acteur qui désespère certains cinéphiles depuis plusieurs années. Il faut dire que l'image professionnelle et publique de Depardieu s'est pas mal écornée. De son exil fiscal assumé à coup de déclarations à l'emporte-pièce à ses embrassades avec Poutine en passant par de pathétiques faits-divers, il est passé du statut d'acteur roi du cinéma français à l'incarnation d'une beaufitude ravagée, ce qu'une filmographie globalement atroce a entériné. Pourtant, les réussites (non mentionnées dans le film) de Quand j'étais chanteur, Mammuth ou, à un moindre degré, du récent Valley of Love , ont montré que l'artiste n'avait pas dit son dernier mot. Le mérite du documentaire de Richard Melloul est de cerner moins le personnage public que l'acteur qui revient sur un parcours longtemps prestigieux, des débuts sur la scène avec Claude Régy au sommet de sa carrière que constitue Cyrano de Bergerac, il y a déjà un quart de siècle. Depardieu analyse avec pertinence et intelligence sa difficulté à imposer son image auprès de producteurs qui pensaient qu'il ferait fuir le public féminin, lui qui avait su imposer une diction toute moderne, sobre mais au ton de loubard, lorsqu'il déclamait des alexandrins de Racine et Molière. Sans être hagiographiques, les témoignages éclairent la puissance et la retenue d'un style dramatique qui ont fait de lui un interprète phare, après Jean Gabin dans les années 30, Gérard Philipe dans les années 50, et Belmondo ou Delon dans les années 60. |
Bertrand Blier, Pierre Richard et Jacques Weber apportent leur pierre à l'édifice, pour montrer comment Depardieu a imprégné l'univers de l'auteur des Valseuses, joué les faire-valoir de génie dans La Chèvre ou s'est révélé un monstre sacré confirmé mais toujours en proie au doute et tétanisé par le trac dans Cyrano. Une structure non linéaire et circulaire nous permet d'apprécier, à deux reprises, la belle voix off de Fanny Ardant sur un texte de Sagan, un document d'archives sur le voyage de Depardieu en Inde afin d'acheter les droits de distribution des films de Satyajit Ray, ou des images actuelles le montrant se recueillir sur la tombe de Patrick Dewaere. Ce rapport entre l'acteur et ses proches disparus est particulièrement émouvant lorsqu'il évoque les ombres toujours présentes de Jean Carmet, Barbara, Marguerite Duras, Maurice Pialat ou Guillaume Depardieu. Bien sûr, on aurait aimé que Richard Melloul et Gérard Depardieu évoquent d'autres metteurs en scène ayant tiré le meilleur de l'acteur, comme Marco Ferreri (La Dernière femme), André Téchiné (Barocco), François Truffaut (Le Dernier métro), Alain Resnais (Mon oncle d'Amérique) ou Bernardo Bertolucci (1900), ainsi que des partenaires de premier plan telles Catherine Deneuve, Isabelle Adjani ou Isabelle Huppert, qui n'apparaissent que par le biais de photos. Mais tel quel, ce documentaire, que l'on peut revoir sur Dailymotion, n'a pas démérité sa place dans la section Cannes Classics du Festival de Cannes 2015. Gérard Crespo
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1h - France - Documentaire - Production : Richard Melloul Proiductions, Productions Tony Comiti. |