Les Cowboys
de Thomas Bidegain
Quinzaine des Réalisateurs


Sortie en salle : 25 novembre 2015




Une femme disparaît

Une grande prairie, un rassemblement country western quelque part dans l'est de la France. Alain (François Damiens) est l'un des piliers de cette communauté. Il danse avec Kelly, sa fille de seize ans, sous l'œil attendri de sa femme et de leur jeune fils Kid. Mais ce jour-là Kelly disparaît. La vie de la famille s'effondre. Alain n’aura alors de cesse que de chercher sa fille, au prix de l'amour des siens et de tout ce qu'il possédait. Le voilà projeté dans le fracas d'un monde en plein bouleversement où son seul soutien sera désormais Kid, son fils, qui lui a sacrifié sa jeunesse, et qu'il entraîne dans une quête sans fin... Disons-le d'emblée. Le coup d'essai à la mise en scène de Thomas Bidegain, scénariste de Jacques Audiard pour Un prophète, De rouille et d'os et Dheepan, est un véritable coup de maître. Débuté comme une chronique sociale située dans le département de l'Ain, le film dévie peu à peu vers l'enquête policière puis le thriller d'espionnage et enfin le récit romanesque, le tout en retrouvant l'esprit et les décors des westerns hollywoodiens légendaires. C'est surtout par son sens de l'ellipse et de la finesse narrative que se caractérise ce premier long métrage qui n'est jamais écrasé par son thème pourtant brûlant et choc. À ce sujet, le film n'aura pas eu à subir les reports de sortie en salles de Made in France de Nicolas Boukhrief ou le changement de titre de Plus fort que les bombes de Joachim Trier... Mais même si l'actualité des attentats terroristes de janvier et novembre 2015 rend encore plus troublante et fascinante l'histoire de cette jeune fille partie assurer le djihad, le film est en lui-même une claque narrative et esthétique indépendamment de ce contexte.

De la Belgique au Pakistan, de l'Algérie au Yemen, Les Cowboys nous transporte dans une « mortelle randonnée » à la fois déroutante et jouissive, dans laquelle les personnages du père et du fils (étonnant Finnegan Oldfied) ne sortiront pas indemnes. Bidegain se permet même une rupture narrative digne de Psychose, sans que jamais l'œuvre ne cède à la tentation de l'esbroufe d'un certain cinéma de scénariste. « C’est en nous documentant notamment sur le Gang de Roubaix, dont les membres avaient combattu en Bosnie au début des années 90, et s’étaient rapprochés de la mouvance islamiste, que nous avons compris que les premières manifestations du mouvement djihadiste remontaient aux début des années 90, même si les exemples étaient encore peu nombreux », a déclaré le cinéaste. La force du film est d'apporter un éclairage documentaire à ce dossier tout en proposant ici le point de vue des familles concernées, et en privilégiant délibérément les zones d'ombre ou les invraisemblances décalées qui ne font que renforcer l'attractivité de l'intrigue, comme l'idylle entre Kid et la jeune Pakistanaise Shazana. Quelque part entre La Prisonnière du désert de John Ford, La Désintégration de Philippe Faucon et l'atmosphère onirique de Nocturne indien d'Alain Corneau, le film de Thomas Bidegain se situe aussi sur le même terrain que Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore, qui mêlait lui aussi cinéma politique, action et introspection. Le réalisateur a pourtant un ton bien à lui et on attend avec intérêt son second long métrage.

Gérard Crespo

 



 

 


1h54 - France - Scénario : Thomas BIDEGAIN, Noé DEBRÉ - Interprétation : François DAMIENS, Finnegan OLDFIELD, Agathe DRONNE, John C. REILLY, Ellora TORCHIA, Antoine CHAPPEY, Jean-Louis COLLOC'H, Gilles TRETON.

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