The Salvation |
Le cauchemar américain Réalisé par le Danois Kristian Levring, l'un des cofondateurs du « Dogme », The Salvation n'a rien à voir avec l'esthétique de cette école mais ne saurait être défini pour autant comme une simple commande, tournée en Afrique du Sud avec des acteurs internationaux, dont les Français Eva Green et Eric Cantona... Loin de l'ironique second degré du western italien, le film assume un scénario (mélo)dramatique et limpide dans son déroulement, tranchant avec les récits sur-écrits du cinéma contemporain. C'est une histoire de vengeance, qui relate les mésaventures de Jon, un immigré danois, interprété avec son habituel charisme par Mads Mikkelsen. Comme dans La Chasse et Michael Kohlhaas, l'acteur est subtil dans son aptitude à se fondre dans des personnages forts mais victimes d'une injustice qui les pousse à se révolter, par le droit ou la force. Le premier quart d'heure est stupéfiant, qui voit une traversée en diligence débuter dans la tension et se terminer en cauchemar. Un huis clos étouffant puis un double assassinat hors-champ donnent le ton général du film. Le meurtre de son épouse et de son fils sera alors le commencement d'une escalade de violence qui verra Jon affronter le terrible Delarue et les siens. Delarue sème la terreur dans toute la région et particulièrement dans une petite communauté dont le maire et le shérif sont obligés d'obéir à ses injonctions. Kristian Levring aborde alors les thèmes de l'ordre juridique et de l'autodéfense, sans lourdeur démonstrative. De L'Homme qui tua Liberty Valance de John Ford au récent Blue Ruin, en passant par les films de (ou avec) Clint Eastwood, le cinéma a souvent abordé ce problème. |
Kristian Levring ne cherche pas à adopter un point de vue personnel (et encore moins à renouveler le western), mais il se sert de conventions pour donner une vision glaçante du rêve américain, tout en s'assurant d'une efficacité narrative. On sent aussi l'influence de Leone, par ce tempo contemplatif plus que par la distance avec les codes hollywoodiens. Car Kristian Levring opte pour une démarche plus classique, tout en ancrant l'histoire en rapport avec sa propre nation, à savoir le Danemark. Le respect de sa langue maternelle dans les dialogues entre Jon et les membres de sa famille est à ce titre révélateur et tranche avec les normes de l'anglais et du doublage de la plupart des coproductions. On pourra reprocher au film une esthétique certes soignée, avec des cadrages techniquement impeccables et une superbe photo, mais lui donnant un aspect d'exercice de style européen, effectué par un réalisateur cinéphile qui rend ici hommage à ses grands maîtres, de Ford et Mann à Peckinpah. En comparaison de ces modèles, The Salvation pourra alors apparaître plutôt lisse et sage, pour tout dire propret dans sa forme, comme cela avait été le cas pour le Hammett de Wim Wenders, en 1982. Malgré cette réserve, c'est un spectacle d'un bon niveau qui a le mérite de la concision (90 minutes). Signalons enfin que le casting est particulièrement réussi et comporte une savoureuse galerie de seconds rôles, la palme étant décernée au terrifiant Jeffrey Dean Morgan, sans doute l'un des méchants les mieux croqués de ces derniers temps. Gérard Crespo
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1h30 - Danemark - Scénario : Anders Thomas JENSEN - Interprétation : Madds MIKKELSEN, Eva GREEN, Jeffrey Dean MORGAN, Michael RAYMOND-JAMES, Eric CANTONA, Jonathan PRYCE, Mikael PERSBRANDT, Douglas HENSHALL, Alexander ARNOLD. |