La Chasse
Jagten
de Thomas Vinterberg
Sélection officielle
En compétition

Prix d'interprétation masculine : Mads Mikkelsen
Prix de la Commission supérieure technique
Prix oecuménique


Sortie en salle : 14 novembre 2012




Bien marcher sur les traits

La critique n’a pas été tendre, voire carrément inique, avec Thomas Vinterberg, qui, à tort, semblerait tendre à lui refuser toute nouvelle chance après le controversé Festen et, peut-être à raison n’était Submarino, à occulter le reste de sa filmographie.

« Un grand film belge… » avait commenté, lucide, Jacques Brel à la sortie des Risques du métier, en son temps réalisé par André Cayatte. Avec La Chasse, Vinterberg transforme donc l’essai en nous gratifiant, quarante-cinq ans plus tard, d’un sinon grand, mais excellent film danois.

Incarnation type de l’homme scandinave moderne, Lucas a réorganisé sa vie dans une petite ville après un divorce douloureux et a presque gagné sa bataille pour obtenir la garde de son fils Marcus, adolescent. Il travaille au jardin d’enfants, en bonne intelligence avec Grethe (Susse Wold), la directrice, Nadja, dont il accepte volontiers les avances, et les petits qui apprécient sa simplicité et son dynamisme. Il n’est pas rare non plus qu’il raccompagne Klara (étonnante Annika Wedderkopp), en compagnie de sa chienne Fanny, chez ses parents, Theo, meilleur ami de Lucas, et Agnès, lorsque la petite perd son chemin.

Quand Klara, jolie tête blonde de 5 ans, donne à Lucas un baiser sur la bouche, le visage de celui-ci marque un bref instant d’inquiétude et il explique à la petite que ce genre de bisou est exclusivement réservé à ses parents. Klara en prend ombrage et tient sa vengeance après que son grand frère et ses amis lui ont mis sous le nez une image pornographique, la commentant de propos traumatisants.

Lorsqu’au jardin d’enfants, Grethe interroge la gamine qu’elle sent taciturne à propos de Lucas, celle-ci dit le trouver méchant, laid et fait référence à son zizi. Comme tous les hommes, intime Grethe. « Oui mais le sien il est tout dur », répond la frimousse craquante en tortillant son nez, mimique qu’elle reproduira tout au long de l’étrange bras de fer qui s’annonce.

À partir de ce moment, la machine est lancée, la chasse aux sorcières est ouverte. Tandis que Klara, ne pouvant répondre autrement aux questions fermées qu’on lui pose, confirme ses accusations, la curée s’abat sur Lucas. Puisque « pourquoi elle mentirait ? »

Dans sa descente aux enfers, il conserve quand même la confiance de Marcus et son parrain, dignes détenteurs de la petite part d’humanité du film. Il y puise le cran de résister à l’hystérie générale et la détermination de se battre sans compromission pour la vérité.

C’est la force, implacable, qui domine et la matière du film, et son filmage, et son interprétation. La beauté et la puissance physique, animale, de Mads Mikkelsen, son intensité à exprimer les plus intimes et enfouis de ses sentiments, lui valent aujourd’hui un prix d’interprétation largement mérité, au sein d’un casting exemplaire. Avec Thomas Bo Larsen dans le rôle de Theo, se retrouvent ainsi les comparses réunis dans Pusher par Nicolas Winding Refn (Drive) à l’orée de leurs carrières respectives.

Marie-Jo Astic

 

 

 


1h46 - Danemark - Scénario : Tobias LINDHOLM, Thomas VITENBERG - Interprétation : Mads MIKKELSEN, Alexandra RAPAPORT, Thomas Bo LARSEN.

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