La chambre ardente

D'origine étrangère, Judith élève seule à Marseille ses trois enfants depuis l'assassinat de son mari. À l'occasion d'une fête de mariage dans sa belle-famille, elle décide de revenir au pays avec ses enfants, après dix-huit ans d'absence.

Sélectionné en dernière minute, après l'annonce à la presse de la sélection officielle, projeté en toute discrétion en séance spéciale, et sorti en salles à la sauvette, ce premier film de Fanny Ardant en tant que réalisatrice ressemble à maintes œuvres d'acteurs voulant briser leur image et proposant un univers d'auteur étranger à l'étiquette qu'ils possèdent. Ici, point de fièvre truffaldienne ou de scénario déstructuré à la Resnais : la cinéaste opte pour un récit linéaire et classique mais d'une froideur toute théâtrale, qui n'est toutefois pas sans rappeler l'ambiance oppressante de Aventure de Catherine C., qu'elle tourna en 1990, sous la direction de Pierre Beuchot.

La première demi-heure diffuse un charme certain, tant ce drame familial réussit à cerner la montée progressive de la haine et de la violence, après un traumatisme partiellement caché aux enfants. Hélas, le récit s'enlise ensuite assez vite dans le surlignage psychologique, la convention de la tragédie (les morts plus ou moins accidentelles) et la pose distinguée qui pétrifie cet objet de cinéma pourtant séduisant sur le papier, et qui rejoindra la galerie des films attachants mais manqués d'acteurs-réalisateurs, de Lumière de Jeanne Moreau à The Brave de Johnny Depp. Reste Ronit Elkabetz, actrice prodigieuse qui rendrait passionnante la lecture des pages blanches de l'annuaire téléphonique. Rien que pour elle, le film se laisse voir sans (trop d') ennui.

Gérard Crespo