Le Jour d'après
Geu-Hu
de Hong Sang-soo
Sélection officielle
En compétition









La femme qui est partie

Areum s’apprête à vivre son premier jour de travail dans une petite maison d’édition. Bongwan, son patron, a eu une relation amoureuse avec la femme qu’elle remplace. Leur liaison vient de se terminer. Ce jour-là, comme à son habitude, Bongwan quitte le domicile conjugal bien avant l’aube pour partir au travail. Il n’arrête pas de penser à la femme qui est partie. Ce même jour, son épouse trouve une lettre d’amour. Elle arrive au bureau sans prévenir et prend Areum pour la femme qui est partie… De La Vierge mise à nu par ses prétendants à Un jour avec un jour sans, en passant par La Femme est l’avenir de l’homme ou Sunhi, Hong Sang-soo est l’auteur de récits minimalistes et légers, acerbe dans sa description des rapports de couple, d’une tonalité « superficiellement superficielle » (au sens ophulsien), mais que d’aucuns ont, un temps, rapproché de Rohmer, dont il serait un petit cousin sud-Coréen. Son cinéma a pour autant son propre style, et semble se bonifier avec les années. Le dispositif est celui qui a été déployé pendant maintenant deux décennies : une histoire épurée mettant en scène un petit nombre de personnages, un marivaudage où la drague de troquet peut déboucher sur des déclarations enflammées, un quiproquo sentimental ou matériel source de confusions multiples, des plans fixes ayant pour cadre un repas arrosé où l’abondance de saké et autres alcools débouche sur un trop-plein de sincérité ou de divagations.

Bien servi par la belle photo noir et blanc de Kim Hyung-koo, Le Jour d’après n’échappe pas à la règle et séduit par son épure et la subtilité de ses dialogues. Bongwan est ici dans la lignée des personnages de réalisateurs ou de professeurs de cinéma qui ont été protagonistes des récits de Hong Sang-soo. Goujat pathétique ou éternel adolescent, amoureux sincère ou menteur manipulateur, il symbolise à lui-seul les ambiguïtés et la dualité de l’âme humaine, face à trois figures féminines incarnant les visages de la jalousie, de l’instabilité ou de l’apparente pureté des sentiments. De ces quatre-vingt-douze minutes de délicatesse, on retiendra notamment un épilogue réjouissant, le cinéaste proposant une seconde lecture rétrospective du scénario de par l’amnésie, feinte ou réelle, d’un des personnages. L’œuvre est bien servie par ses interprètes. Kwon Hae-hyo en mari volage avait déjà été dirigé par le réalisateur dans In Another Country et Yourself and Yours. Aerum a les traits de la gracieuse Kim Min-hee, compagne et muse du cinéaste, mais que l’on avait pu aussi admirer dans Mademoiselle de Park Chan-wook. Notons que Hong Sang-soo a réussi un beau doublon puisqu’un autre de ses longs métrages, La Caméra de Claire, a également fait partie de la sélection officielle de Cannes 2017, mais hors-compétition.

Gérard Crespo


1h32 - Corée du Sud - Scénario : HONG Sang-soo - Interprétation : KIM Min-hee, KWON Hae-hyo, KIM SAEBYUK, CHO Yunhee.

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