Encore un film qui prouve, si besoin était, la vivacité et la diversité du cinéma de Taïwan. Loin des fresques lourdes de sens d'un Hou Hsiao-hsien, ce portrait de groupe avec dame porte la signature d'un jeune cinéaste issu du documentaire. Seuls les étourdis en seront surpris, tant le travail du cinéaste colle ici à un réel à peine transfiguré. L'histoire est simple : une jeune femme sous le coup d'un chagrin d'amour passe une petite annonce pour trouver un mari.

Les prétendants sont aussi nombreux que (dans l'ensemble) privés de séduction ou d'envergure... L'occasion pour le metteur en scène de brosser une étonnante série de mini-portraits, qui ponctuent le film avec une science rare de la composition narrative. Et si notre première réaction est d'en rire, l'accumulation des échecs finit par dessiner en creux le tableau de la jeune femme, qui ne se livre que peu à peu, au fur et à mesure que ses messages sur le répondeur de l'être aimé (mais qui manifestement l'a laissé tomber) apparaissent inutiles.

Le personnage nous touche d'autant plus que la comédienne qui lui donne vie, René Liu, possède une grâce fragile qui ne laisse personne indifférent. On peut bien sûr en tirer des conclusions sur la difficulté de communiquer dans cette Chine nationaliste qui a pris en route le chemin du développement économique sans en mesurer les dommages sociaux. Mais il est clair que le regard un peu goguenard, mais certainement désemparé du cinéaste, a vocation à être universel.

Yves Alion