Suzanne et Marie : la complicité retrouvée

Une scène burlesque, hors du temps où trois personnages joyeux viennent se présenter en enlevant chacun à leur tour un déguisement de fantômes. Qui plume la lune ? est une belle histoire d'amour dans une famille déchirée par la disparition précoce d'une mère que mari et filles ne peuvent oublier. Le père inconsolable souhaiterait mourir, mais ses filles chéries sont près de lui et le surveillent anxieusement. Et lorsqu'avec l'adolescence, Marie et Suzanne s'émancipent, il sent qu'elles lui échappent pour aller retrouver la chaleur d'un autre homme. Son trop plein d'amour déborde.

Il ne peut admettre la déchirure, comme une mère ne peut supporter la séparation de l'accouchement. Marie se prostitue et, pour être à tout le monde, n'est à personne... et donc encore à lui. Suzanne ne supporte pas la vie à deux ou plutôt l'absence de vie à deux. Son mari, absorbé par l'ordinateur, obsédé par les séances de musculation, ne l'intéresse plus. La détresse commune des uns et des autres, grand-mère, père, filles, petit-fils, recrée un équilibre familial au sein de la maison commune. Christine Carrière qui dans Rosine, son premier long métrage, s'était attachée aux rapports mère-fille, donne ici au père le rôle essentiel.

Il est interprété avec tendresse par Jean-Pierre Darroussin. En organisant son film en trois actes (enfance, adolescence et âge adulte), la jeune cinéaste réalise une tragi-comédie poétique qui se referme sur la maison familiale doucement engloutie dans la chaleur bleutée et ouatée de la neige, plume tombée de la lune comme dans le calme retrouvé du nid utérin dont personne ne veut ni ne peut sortir.

Christiane Séguron