Vive la sociale !

"On nous demande aujourd'hui d'être des cabris flexibles, interchangeables, sans attaches. Soyons fiers de notre côté hippopotame. Il représente le poids de ceux qui ont une histoire, des traditions, des droits." C'est en ces termes que Dominique Cabrera explique le titre de son film mais aussi sa démarche : refuser de se soumettre à la toute puissance des patrons, fussent-ils l'état. Novembre/décembre 1995. La France est paralysée par la grève des transports. Nadia vit du RMI. Elle est depuis six mois la mère d'un petit Christopher. Un jour, elle croit reconnaître le père de l'enfant, dont elle est sans nouvelles, dans un reportage du journal télévisé sur les cheminots grévistes de la gare d'Austerlitz. Nadia s'y rend et découvre la solidarité du monde ouvrier en lutte.

Cabrera est une militante, acquise à la cause que les grévistes soutiennent. Et pourtant, jamais son discours est démonstratif, moralisateur ou même manichéen. Et c'est là toute la force de ce film sensible et combatif, émaillé de scènes poignantes et fortes : Nadia (Ascaride moins comédienne et plus vraie que chez Guédiguian) qui laisse éclater sa violence contre les cheminots qu'elle considère comme des nantis par rapport à elle et son RMI ou encore le "jaune" (excellent Olivier Gourmet) et la gréviste, aussi démunis l'un que l'autre, incapables de certitudes, pathétiques dans leur simple besoin d'un peu de chaleur humaine.

Tourné comme un documentaire, avec les cheminots grévistes qui se sont prêtés au jeu, l'histoire de cette rencontre dégage à la fois un espoir puissant dans les luttes sociales et une indicible mélancolie. Rien n'est jamais gagné.

Gérard Camy

1h42 - Nadia and the Hippos (Europe: English title) - scénario & dialogues : Dominique Cabrera, Philippe Corcuff - images : Hélène Louvart - décor : Raymond Sarti - musique : Béatrice Thiriet - montage : Sophie Brunet - interprètes : Ariane Ascaride, Thierry Frémont, Philippe Fretun...