Rivka, prisonnière de l'orthodoxie

En cette heure d'intolérance, quand tant de peuples vivent l'horreur au nom d'une couleur de peau, d'une religion ou plus simplement d'une différence, un film comme Kadosh (Sacré) est une lucarne ouverte sur l'intelligence et la compassion. Utilisant sa compétence de documentariste pour donner au film un réalisme oppressant, le réalisateur va s'immerger dans Mea Shearim le quartier juif ultra-orthodoxe de Jérusalem. Chambres tristes, ruelles étroites et sombres, "Yeshiva", tout se déroule dans des lieux exigus, oppressants jusqu'à l'image finale de Malka enfin sortie de la ville et qui la contemple dans toute son immense beauté... Est-ce une libération ?

Deux destins de femmes, sœurs de sang et de religion, prisonnières d'un conservatisme qui attribue tous les pouvoirs à l'homme au nom d'une lecture des textes sacrés, se croisent. L'une, Rivka, sans enfant après dix ans de vie commune va être répudiée, malgré la médecine qui prouve que c'est l'homme qui est stérile, et se laissera mourir, incapable de transgresser la loi du rabbin, sa propre loi. L'autre, Malka, subira le mariage, avec Yoffeh, l'assistant prosélyte du rabbin (à propos de cette nuit de noces, la scène du coït des deux époux est sans doute

l'un des sommets de l'anti-érostime du cinéma), avant d'oser s'affranchir et entamer une liaison avec son amour d'enfance Yaakov, lui-même juif religieux en rupture de ban. Statut de la femme, mécanismes du groupe "agressé" qui devient "agresseur", poids de la loi divine et rejet de la différence traversent ce film de l'intérieur et, sans caricature ni surcharge (mais était-ce nécessaire ?), offre un tableau d'une extraordinaire crudité des mécanismes de l'intolérance en marche.

Jean-Paul Icardi

1h50 - scénario & dialogues : Amos Gitaï, Eliette Abecassis - images : Renato Berta - décor : Miguel Markin - musique : Louis Sclavis - montage : Monica Coleman, Kobi Netanel - interprètes : Yaël Abecassis, Meital Barda, Yoram Hattab...