Un pigeon voyageur survole New-York, entre Harlem et Little Italy, entre des mafiosi sur le déclin et un samouraï noir. Ghost Dog: the way of the Samurai, polar noir et comédie décalée, huitième film du cinéaste new-yorkais Jim Jarmush, où le temps se module, se dilate, où les beats déversés par la musique de RZA (leader du groupe de Rap Wu Tang Clan), égrènent les secondes et enchaînent les fondus. Cadence des gestes et des balades, symbiose parfaite entre images sonores et filmiques, Forest Whitaker se fond dans le personnage comme le Ghost Dog se glisse dans la ville. Il nous offre une si sobre et juste interprétation, si imprégnée par l'esprit du "samouraï" qu'il chorégraphie lui-même les mouvements de ce tueur professionnel, projetant son personnage un peu plus dans son univers particulier. Un univers solitaire, et une société où le problème est la communication entre les êtres.

Animale et réduite à un simple pigeon pour ses employeurs, soumise aux rapports de forces avec la fille du chef mafieux, elle est sensitive avec son meilleur ami Haïtien qui ne comprend pas l'anglais. Le barrage des langues n'exclut donc pas une amitié profonde. La petite fille apporte le seul veritable échange. Il se place en père protecteur et mentor. Le Ghost Dog suit le code ancestral des samouraïs, respectant un même code de l'honneur et de vie que les chefs de gangs de Harlem. En atteste la scène où Forest Whitaker et l'un des ces chefs se saluent cérémonieusement. Il s'agit donc de récupérer une indépendance culturelle et spirituelle perdue au cours de l'esclavage et de la colonisation blanche. Cependant, Jim Jarmush se déjoue de tous les clichés attendus, distillant habilement un regard amusé et réfléchi sur tous ces personnages.

Personne n'est vraiment sérieux ; tout n'est que cinéma. Clin d'œil (High Noon), réferences (Sur les quais, Rashomon), Jim Jarmush aime son art et réalise sans emphase ni prétention, un des ses meilleurs films.

Julien Camy