L'Empereur et l'assassin

de Chen Kaige
Sélection Officielle
Grand Prix de la Commission supérieure technique pour les décors

L'empereur et l'assasin : illusions perdues d'un rêve visionnaire

 

Ce film foisonnant (2h40), épopée historique du 3e siècle avant Jésus-Christ, évoque l'empire céleste à travers la personnalité de Ying Zheng. Derrière les noms, les coutumes, les amours d'un empereur fondateur de la Chine, les origines troubles de sa naissance, c'est à une lecture du rapport entre le pouvoir et la guerre que nous sommes conviés. Variation éternelle sur la force fondatrice de la paix, l'empereur de Qin qui doit unifier les sept royaumes qui sont "sous le ciel", ne peut que forger dans le sang son destin. Son rêve visionnaire d'un monde unifié, harmonieux, où le faible est secouru, où l'art s'épanouit, passe par l'épreuve de la guerre et par l'élimination des autres. L'accaparement du pouvoir est l'outil par lequel il va concevoir son rêve. Mais le pouvoir éloigne des hommes et de la réalité et fait perdre son âme, son innocence, à l'empereur.

Derrière les costumes somptueux, les scènes de guerre majestueuses et cet assassin que Zhao, l'amour d'enfance de l'empereur, va envoyer vainement pour arrêter le cours de l'histoire, on traite beaucoup plus de l'histoire contemporaine que du mythe fondateur de l'empire céleste. C'est en effet à une lecture très symbolique de cette histoire de la Chine que le scénariste /réalisateur nous convie et renvoie à une universalité du rapport pouvoir-guerre. Cette grille s'applique à Mao Tse-Toung, dernier empereur de la Chine. Elle s'applique aussi à tous les despotes de pacotille, ces "milosevic" d'opérette qui, derrière les habits du pouvoir absolu, pourchassent des chimères de poussières d'empire et, dans les replis d'une race ou d'un sang, rêvent de conquêtes et d'absolu. Le film hésite alors, suspendu au-dessus du vide.

L'empire est créé par le sang et la terreur et l'empereur y a perdu son âme et la vérité. La fin justifie-t-elle alors les moyens ? Aurait-il suffi d'un assassin pour briser le cours de l'histoire ? Eternel problème qu'il n'appartient pas au septième art de résoudre et que la réalité des convulsions du monde nous donne à lire tous les jours.

Jean-Paul Icardi

2h40 - The Emperor and the Assassin (Europe: English Title) - Titre original : Jing ke qin wang - scénario & dialogues : Chen Kaige, Wang Peigong - images : Zhao Fei - décor : Tu Juhua - musique : Zhao Jiping - montage : Zhou Xinxia - interprètes : Li Xuejian, Gong Li, Zhang Zhiwen. Sortie : novembre 99.

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