A bord : perdre la boule à Istanbul

" Un navire, c'est comme un pays " : le film commence avec cette phrase du capitaine. Laissons la métaphore agir seule... Ce navire-là n'ira pas bien loin : sa principale activité étant de prélever du sable du fond marin et de l'acheminer à terre, il se déplace à peu près autant qu'un vaporetto... A bord, trois membres d'équipage : le bon, la brute et le truand (avec un bémol pour le bon...) sous l'autorité du capitaine Fracasse, dictateur autoproclamé. Cette équipée sauvage, en son pays flottant, mène une existence exaltée.

Lors des soirées interminables, ambiance "lotus bleu", le capitaine et ses matelots, menant de front gros joints d'opium et bonnes rasades de raki, se racontent des histoires salaces jusqu'à plus soif. Cependant, un soir, le truand manque à l'appel... Cap'tain stoned, suite à quelques événements dont ont préservera ici le suspense, réalisera bientôt qu'un pays ce n'est pas comme un navire : il n'y a pas qu'un seul maître à bord.

A la fin du film enfin, à la manière de M. Haneke, le spectateur est le dernier témoin de cette odyssée glauque à souhait. Cette ultime surprise vient adoucir un peu le dégoût qu'inspiraient jusque-là ces marins ; on espère seulement que le réalisateur turc aura forcé le trait dans la peinture qu'il a donné à voir des hommes de son pays.

Nicolas Fine