The Spy Gone North |
L'espion qui venait du sud Séoul, 1993. Un ancien officier est engagé par les services secrets sud-coréens sous le nom de code « Black Venus ». Chargé de collecter des informations sur le programme nucléaire en Corée du Nord, il infiltre un groupe de dignitaires de Pyongyang et réussit progressivement à gagner la confiance du Parti. Opérant dorénavant en autonomie complète au cœur du pays le plus secret et le plus dangereux au monde, l’espion devient un pion dans les tractations politiques entre les gouvernements des deux Corées. Mais ce qu’il découvre risque de mettre en péril sa mission et ce pourquoi il a tout sacrifié... Yoon Jong-bin est peu connu en Occident. Il s’est frotté à la chronique de la prostitution (Beastie Boys), au drame historique (Kundo), ou encore à la romance (A Quiet Dream), mais aucune de ses œuvres n’a été distribuée en France. C’est donc avec curiosité que l’on souhaitait jeter un œil sur Gongjak qui marque son incursion dans le film d’espionnage. Un cinéma de genre donc, qui présente ici une facture classique (sans être académique), à contre-courant des pépites sud-coréennes sous acide que l’on a pu voir ces dernières années. Ceux qui attendent un produit déjanté et branché à la manière du thriller Sans pitié de Byun Sung-hyun risqueront en effet d’être déçus, tant Gongjak adopte une forme sobre et un ton mesuré. Certains ont regretté le côté bavard et la trop longue exposition (les pourparlers en Chine). Sans être infondés, ces reproches ne doivent pas occulter l’efficacité narrative du récit surtout dès l’arrivée de « Black Venus » en territoire nord-coréen. Tourné début 2017, dans un contexte politique très tendu, à l’opposé de l’atmosphère de décrispation actuelle, le film est autant habile dans le déroulement de ses péripéties que subtil dans la caractérisation des personnages : loin d’être la simple marionnette sanguinaire conforme à la représentation qu’en a fait l’Occident, Kim Jong-il est traité comme un vrai méchant de cinéma, avec une aptitude à la manipulation et des sentiments qui en font une créature authentiquement terrifiante. |
Cependant, l’humour burlesque de certains passages (la présence insolite du petit caniche qui suit le dictateur) rapproche parfois le film de l’esprit parodique de OSS 117 : Le Caire, nid d'espions de Michel Hazanavicius, davantage que de la réflexion sur le pouvoir proposée dans L’Affaire Cicéron de Joseph L. Mankiewicz… Mais Yoon Jong-bin propose un point de vue intéressant sur les compromis réalisés par les deux Corées, tout comme l’éventualité de leur rapprochement, l’antagonisme entre les deux pays étant lié au fossé socio-économique et politique davantage qu’à une incompatibilité entre les deux peuples. L’ébauche d’amitié entre « Black Venus » et son homologue nord-coréen est d’ailleurs l’aspect le plus émouvant d’un film qui évite les écueils du manichéisme autant que de la sensiblerie. Et ce traitement des liens entre Pyongyang et Séoul pourrait être le troisième volet d’une trilogie sud-coréenne démarrée avec les trop méconnus Joint Security Area de Park Chan-wook et Entre deux rives de Kim Ki-duk. La direction d’acteurs est un autre point fort de Gongjak : « Je souhaitais que le spectateur ressente la tension suscitée par cette opération d'une complexité abyssale et ce combat subtil, si bien que j'ai travaillé avec les acteurs pour qu'ils reflètent ce climat particulier dans leur jeu. Par exemple, ils peuvent se sourire à un moment donné alors qu’ils continuent à se méfier les uns des autres », a déclaré le cinéaste qui semble avoir été en harmonie avec le très populaire Hwang Jung-min : ce subtil comédien avait déjà été à son avantage dans A Bittersweet Life de Kim Je-woon et Battleship Island de Ryoo Seung-wan.
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2h27 - Corée du Sud - Scénario : YOON Jong-bin, KWON Sung-hwi - Interprétation : HWANG Jung-min, LEE Sung-min, CHO Jin-wong, JU Ji-hoon. |