In My Room
de Ulrich Köhler
Sélection officielle
Un Certain Regard







Le dernier homme

Armin vogue d’échecs professionnels en déceptions sentimentales. Il n’est pas vraiment heureux, mais ne peut pas s’imaginer vivre autrement. Un matin il se réveille : si le monde semble inchangé, tous les êtres humains se sont volatilisés. Robinson Crusoé des temps modernes, Armin prend alors un nouveau départ. Cette liberté totale lui donne des ailes, mais tout ne se passe pas comme prévu… Il s’agit du quatrième long métrage d’un cinéaste diplômé en Arts, philosophie et communication audiovisuelle. Les trois précédents avaient été présentés au Festival de Berlin qui lui avait décerné l’Ours d’argent du meilleur réalisateur pour La Maladie du sommeil (2011). Malgré son synopsis, In My Room ne s’apparente pas au film dystopique et il ne serait pas opportun d’y voir une parabole sur la fin du monde, contrairement à des œuvres aussi diverses que Le Monde, la chair et le diable (1959) de Ronald MacDougall, Les Fils de l’homme (2006) d’Alfonso Cuarón ou Melancholia (2011) de Lars von Trier. De l’origine de la disparition de toute vie humaine (ou presque) nous ne saurons rien, le scénario n’évoquant ni une catastrophe écologique, ni un accident nucléaire, ni une domination extraterrestre. L’absence même de tout cadavre (à l’exception des personnes ayant décédé la veille, comme la grand-mère d’Armin) crée un sentiment d’étrangeté qui pousse le récit sur la pente du fantastique. Mais c’est le genre du survival avec solitude d’un protagoniste qui convient davantage pour étiqueter cette œuvre insolite, du moins dans son troisième volet, même si les déboires et la quête d’Armin semblent éloignés d’autres personnages :

ceux de Tom Hanks dans Seul au monde (Robert Zemeckis, 2000), Matt Damon dans Seul sur Mars (Ridley Scott, 2015), ou Mads Mikkelsen dans Arctic (Joe Penna, 2018). En effet, Armin n’est pas dans l’immédiat en danger de mort tant il dispose de stocks alimentaires qu’il peut piller dans les supérettes. Mais son choix d’un mode de vie ancestral en squattant une petite propriété rurale semblera pour lui le moyen de redonner un sens à son existence. Mais quelle existence sans une âme humaine à l’horizon ? « La disparition de l’homme sert de cadre à une expérience qui explore le conflit entre un désir à la fois de liberté mais aussi d’intimité. Le film questionne notre capacité à nous réinventer », a déclaré Ulrich Köhler dans le dossier de presse. Son métrage séduit à la fois par la limpidité de sa linéarité et l’homogénéité de sa démarche (alternance d’ellipses et de plans étirés), encore que le découpage en quatre parties (Armin et sa vie de journaliste, les retrouvailles avec sa famille, la solitude dans la forêt, sa nouvelle vie de couple) crée des ruptures de ton qui relancent constamment l’attention du spectateur. Sans doute cette fable philosophique pourra-t-elle rebuter par ses zones d’ombre, sa sécheresse et son absence d’enjeu émotionnel, à l’instar du cinéma d’un Šarūnas Bartas (Frost). Mais Ulrich Köhler est un réalisateur audacieux et talentueux dont l’œuvre mérite de trouver un public.

Gérard Crespo



 

 


2h - Allemagne - Scénario : Ulrich KÖHLER - Interprétation : Hans LÖW, Elena RADONICICH, Antonia PUTILOFF.

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