Cyrano de Bergerac
de Jean-Paul Rappeneau
Sélection officielle
Cannes Classics






« Qu’en termes galants ces choses-là sont dites »

Paris, 1640. Dans un théâtre, un curieux personnage, dont l’esprit est aussi acéré que la rapière, provoque un duel au milieu d’une foule admirative. Cet homme, c’est le grand Cyrano (Gérard Depardieu) ; poète, fin bretteur, beau parleur, il ne craint ni le sang, ni les sots. Hélas, il est laid ; affublé d’un nez aux proportions peu communes, il désespère de pouvoir un jour séduire son amour de toujours, la belle Roxane (Anne Brochet), sa cousine. Mais celle-ci, pour son plus grand malheur, n’a d’yeux que pour le beau Christian de Neuvillette (Vincent Perez), qui l’aime en cachette. Son seul défaut : il n’a pas d’esprit, et n’est pas doué pour s’adresser aux femmes. C’est pourquoi il demande à Cyrano de l’aider à conquérir la belle tant convoitée, ignorant les sentiments de ce dernier pour elle… La pièce d’Edmond Rostand a fait l’objet de plusieurs versions cinématographiques dont une adaptation hollywoodienne de Michael Gordon (1950), aujourd’hui oubliée, qui avait permis à José Ferrer d’obtenir l’Oscar du meilleur acteur. C’est peu dire que l’adaptation par Jean-Paul Rappeneau et son scénariste Jean-Claude Carrière la surpasse. On pouvait compter sur l’élégance et le panache du réalisateur, peu prolifique, mais auteur de quelques-unes des comédies les plus subtiles du cinéma français, comme La Vie de château (1965) ou Le Sauvage (1975). Bien sûr, la réussite du film tient beaucoup à celle de l’œuvre littéraire, mais il n’était pas facile de transposer à l’écran des dialogues qui comportaient autant d’éléments de vieux français que d’expressions argotiques, et que l’on aurait pu considérer (à tort) comme tombées en désuétude. À vrai dire, pour ne pas dépasser les 2h15 de projection, Rappeneau et Carrière ont taillé dans le texte, supprimant notamment les tirades les plus obsolètes, et n’ont pas hésité à ajouter quelques séquences muettes jouant les codes de la commedia dell'arte (procédé que n’aurait pas exclu un metteur en scène de théâtre). Loin de constituer un simple toilettage commercial lié aux contraintes de l’exploitation en salle, la démarche donne au métrage une fluidité qui n’a pas été pour rien dans son accueil consensuel.

Si le film multiplie les mouvements de caméra et alterne tournages en studio ou dans des monuments historiques (abbaye de Fontenay) et prises de vue en extérieur, la théâtralité du matériau est assumée, et l’on est surpris de voir ici les alexandrins s’immiscer dans une production culturelle qui ciblait à l’époque le public de Camille Claudel davantage que celui de Manoel de Oliveira… Car si le Cyrano de Rappeneau exclut toute radicalité, il est ce que le cinéma français a produit de meilleur dans le genre. Les collaborateurs artistiques et techniques (Pierre Lhomme à la photo, Jean-Claude Petit pour la musique…) ne sont pas pour rien dans ce que l’on peut considérer comme une réussite collective, au-delà des mérites réels de son réalisateur. Et quelle autre production française mêle l’efficacité du film historique et de cape et d’épée avec la référence à la tradition du théâtre populaire et classique ? Même si les adaptations de Shakespeare par Welles (Othello), Kurosawa (Le Château de l’araignée) ou Laurence Olivier (Hamlet) ont eu une ambition cinématographique plus grande et resteront davantage dans les annales du septième art, le film de Jean-Paul Rappeneau reste un modèle d’adaptation littéraire à l’écran. Cyrano de Bergerac devait marquer l’apogée de la carrière de Gérard Depardieu après quinze années fructueuses au cours desquelles il fut dirigé par Blier, Truffaut ou Pialat. Il est ici bien entouré d’un casting utilisant des jeunes acteurs alors prometteurs (Anne Brochet et Vincent Perez) et des pointures de la scène, de la trempe de Jacques Weber, Roland Bertin, ou Catherine Ferran de la Comédie-Française. Présenté en compétition officielle à Cannes en 1990, le film fut honoré par le prix d’interprétation masculine et triompha ensuite auprès du public. Il récolta pas moins de dix récompenses aux César, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur. Sa numérisation en 2018 a été supervisée par Jean-Paul Rappeneau à partir du négatif original et sa restauration 4K réalisée par le laboratoire L’Image Retrouvée pour Lagardère Studios Distribution avec le soutien du CNC, de la Cinémathèque française, du Fonds Culturel Franco-Américain, d’Arte France-Unité Cinéma, et de Pathé.

Gérard Crespo



 

 


1990 - 2h15 - France - Scénario : Jean-Claude CARRIÈRE, Jean-Paul RAPPENEAU, d'après la pièce d'Edmond Rostand - Interprétation : Gérard DEPARDIEU, Jacques WEBER, Anne BROCHET, Vincent PEREZ, Roland BERTIN , Philippe MORIER-GENOUD, Pierre MAGUELON, Josiane STOLÉRU, Philippe VOLTER, Catherine FERRAN.

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