A Beautiful Day
You Were Never Really Here
de Lynne Ramsay
Sélection officielle
En compétition

Prix d'interprétation masculine
Prix du scénario ex-æquo








Le canardeur

Voici un objet de cinéma insolite, réalisé par une cinéaste britannique audacieuse, qui avait été révélée par Ratcatcher, avant de confirmer les espoirs placés en elle avec Le Voyage de Morvern Callar et surtout l’inquiétant We Need to Talk About Kevin. Le synopsis n’est pas de tout repos, qui voit un vétéran de guerre protéger une adolescente d’un réseau de prostitution, quitte à éliminer un par un, à coup de marteau ou de flingue, les individus peu recommandables qui gravitent autour d’elle. L’originalité du script, adapté d’un roman de Jonathan Ames, est d’avoir combiné un récit policier somme toute conventionnel à une étude clinique, le personnage principal étant victime d’un double traumatisme, lié à une enfance que l’on devine étouffée par une mère possessive, et surtout à un passé de soldat qui semble lui avoir laissé de sérieuses séquelles psychologiques. Comme les personnages de Séverine dans Belle de jour ou, plus récemment, de Chloé dans L’Amant double, Joe vit dans un monde fantasmatique tout en affrontant des problèmes personnels quotidiens, les frontières entre l’inconscient et la réalité, les projections mentales et le présent vécu étant difficilement perceptibles par le spectateur. Le montage s’avère brillant, et Lynne Ramsay est dotée d’un réel sens de l’atmosphère tout en mobilisant, de manière explicite, un certain nombre de films culte.

De Psychose à Taxi Driver en passant par Hardcore et le cinéma de Tarantino et des Coen, Ramsay a des références de choix, et l’on pourrait la classer plus particulièrement dans la mouvance de Nicolas Winding Refn, celui de Only God Forgives plus que Drive. Reste que la surenchère de violence et cette volonté d’étaler à tout prix sa virtuosité pourra également lasser, l’exercice de style montrant des limites dans sa difficulté à concilier efficacité et position d’artiste, premier et second degré, sincérité et tape-à-l’œil, épure et redondances, à l’instar de ces images récurrentes de fillettes asiatiques recouvertes d’un sac en plastique. L’œuvre est toutefois bien servie par la photo élégante de Tom Townend, la musique électronique percutante de Jonny Greenwood, et surtout l’interprétation habitée de Joaquin Phoenix. Bouffi, barbu, et complètement halluciné, l’acteur que l’on avait déjà connu excellent chez James Gray et Spike Jonze offre une composition qui fera date. Au final, ce thriller sophistiqué traduit un réel savoir-faire mais n’entraîne pas l’adhésion totale.

Gérard Crespo


1h35 - Royaume-Uni, États-Unis, France - Scénario : Lynne Ramsay, d'après le roman de Jonathan Ames - Interprétation : Joaquin PHOENIX, Ekaterina SAMSONOV, Alessandro NIVOLA, Alex MANETTE, John DOMAN, Judith ROBERTS.

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