Marlina, la tueuse en 4 actes |
La vengeance d’une femme Au cœur des collines reculées d’une île indonésienne, Marlina, une jeune veuve, vit seule. Un jour, surgit un gang venu pour l’attaquer, la violer et la dépouiller de son bétail. Pour se défendre, elle tue plusieurs de ces hommes, dont leur chef. Décidée à obtenir justice, elle s’engage dans un voyage vers sa propre émancipation. Mais le chemin est long, surtout quand un fantôme sans tête vous poursuit… C’est le troisième long métrage de Mouly Surya, réalisatrice indonésienne qui avait suivi des études de littérature puis de cinéma à Melbourne. Le cinéaste Garin Nugroho lui a proposé cette histoire, que Mouly Surya s’est appropriée en référence au western italien. Bien qu’elle s’en défende, déclarant avoir voulu tourner un survival, mais pas un film sur la survie des femmes, Marlina est délibérément féministe : l’héroïne fragile et forte à la fois, dotée d’une aura mystérieuse, est confrontée à la domination des hommes et ne devra compter que sur elle-même pour les affronter, aidée de sa bonne copine enceinte de dix mois. Dans cette société patriarcale où les hommes ont tous les droits, les brigands passent du vol au viol, les braves hommes sont incapables de faire face à la violence, les futurs pères se comportent comme des brutes épaisses, et les policiers se montrent indifférents ou incompétents.
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De la petite fille à la vieille femme apportant une dot à son neveu, la gente féminine est par contre parée de toutes les vertus… On pourrait être agacé par ce manichéisme outrancier, mais l’essentiel est ailleurs, qui fait de Marlina une authentique réussite, enrichie par ses influences : c’est d’abord celle du cinéma de Sergio Leone, par l’étirement de l’action et le recours aux cadrages très larges ; c’est ensuite le souvenir de Tarantino, de par le découpage en quatre actes (le vol, le voyage, la confession et la naissance), qui fait écho aux chapitres de Pulp Fiction ou aux volumes de Kill Bill. Mouly Surya n’en oublie pas pour autant d’apporter plus qu’une touche personnelle, parvenant à rendre attachants ses personnages en dépit de l’économie de dialogues, combinant réalisme et poésie absurde (l’homme décapité jouant de la guitare), ou tragédie et ton burlesque (le dialogue entre les femmes dans le convoi). On appréciera également l’utilisation pertinente du Scope, valorisant l’environnement aride de l’île de Sumba, ainsi qu’un sens graphique saisissant : on gardera ici le souvenir de ce plan (en hommage au manga ?) dans lequel Marlina fixe la caméra, tandis que plusieurs hommes s’effondrent derrière elle. Du grand art.
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1h35 - Indonésie - Scénario : Rama ADI, Garin NUGROHO, Mouly SURYA - Interprétation : Marsha TIMOTHY, Yoga PRATAMA. Dea PANENDRA, Egy FEDLY, Anggun PRIAMBODO. |