La Fièvre du samedi soir
Saturday Night Fever
de John Badham
Sélection officielle
Cannes Classics

Cinéma de la Plage







Les années disco

Chaque samedi Tony met sa chemise à grand col, son pantalon à pattes d'éléphant, ses chaussures à semelles compensées et sort au seul endroit où on le considère comme un dieu plutôt qu'un minable. Loin du dancefloor et de sa boule à facette, l'histoire de Tony le vendeur de magasin de peinture devient une histoire de désillusion tragique, de violence et de chagrin… Réalisé par John Badham, artisan inégal capable du meilleur (War Games) comme du pire (Nom de code : Nina), le film fut, avant Grease, le gros succès de John Travolta. La Fièvre du samedi soir propulsa la vague du disco, et il va sans dire que la bande originale en est l’élément le plus fameux : elle contient les plus grands tubes des Bee Gees, de Stayin' alive à How Deep Is Your Love en passant par Night Fever et You Should Be Dancing. Dès le pré-générique aux allures de vidéoclip, avec vues aériennes sur le pont de Brooklyn, le ton est donné, et régalera les nostalgiques de cette mode kitsch, comme il avait ravi les fans de la première heure. On pourrait comparer l’ascension de John Travolta, révélé avec un second rôle réjouissant dans Carrie de De Palma, à celui de Tony Manero, le jeune New-yorkais désireux de connaître la gloire en passant par le club 2001, l’espace de son odyssée. On préférera souligner le parallèle entre les rêves de Tony et l’admiration qu’il porte à Al Pacino ou Rocky Balboa dont les posters ornent, avec ceux de Bruce Lee et Farraw Fawcett, sa chambre de post-ado.

Le mythe de l’Italo-américain prêt à tout pour échapper à sa destinée sociale fragile est ici traité au départ sur le mode d’une comédie familiale qui devient plus cruelle au fil des séquences. Et si l’humour potache et graveleux de la bande de potes de Tony ou l’idylle mollassonne avec Stephanie (Karen Lynn Gonrey) plombent la moitié du film, La Fièvre du samedi soir choisit une audacieuse rupture de ton, abordant de front les questions de la prostitution, du viol, du suicide et des discriminations ethniques avec une acuité que l’on n’aurait pas soupçonnée. Il reste que les chorégraphies sont filmées assez platement, l’œuvre n’atteignant pas la qualité artistique de Que le spectacle commence de Bob Fosse, réalisé trois ans plus tard, et d’autres sommets de la comédie musicale, tels Top Hat, Chantons sous la pluie, West Side Story, Les Demoiselles de Rochefort, ou le récent La La Land. On l’aura compris : La Fièvre du samedi soir reste plus le témoignage d’une vogue qu’un jalon du genre. Mais le film vaut davantage que les produits musicaux associés à ces célébrités de show-biz, de Marinella pour Tino Rossi à 8 Mile pour Eminem, en passant par Le Chanteur de Mexico pour Luis Mariano ou Purple Rain pour Prince. Et il n’est pas coupable de se déhancher au rythme de ses fiévreuses mélodies… L’œuvre sera l’objet de parodies et d’hommages, dont une scène culte de Pulp Fiction, avec Travolta himself, et le bien curieux Tony Manero de Pablo Larrain.

Gérard Crespo



 

 


1977 - 1h58 - États-Unis - Scénario : Norman WEXLER, d'après le récit de Nik Cohn - Interprétation : John TRAVOLTA, Karen Lynn GORNEY, Barry MILLER, Joseph CALLI, Paul PAPE, Donna PESCOW, Fran DRESCHER, Julie BOVASSO, Martin SHAKAR, Sam COPPOLA, Nina HANSEN.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS