La Bataille du rail
de René Clément
Sélection officielle
Cannes Classics






Un train peut en cacher un autre

Une présentation de l’Ina. Film numérisé et restauré par l’Ina avec le soutien du CNC. Restauration en 2K réalisée à partir d’un marron acétate et d’une copie zéro. Moyens techniques : Jean-Pierre Peltier. Coordination : Bénilde Da Ponte, Brice Amouroux.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des travailleurs du rail s’activent dans l’ombre pour lutter contre l’Occupation nazie au péril de leur vie : renseignements, transports clandestins, sabotages… En juin 1944, alors que le débarquement vient d’avoir lieu, la lutte menée par le réseau Résistance-Fer s’intensifie. Athos, chef d’une gare de triage, et son adjoint Camargue vont tout mettre en œuvre, avec l’aide de nombreux cheminots, pour ralentir l’avancée des renforts allemands vers la Normandie… Premier long métrage de René Clément, La Bataille du rail a été réalisé sur l’initiative de la Commission Militaire et du Conseil National de la Résistance, ainsi que du directeur de la photo Henri Alekan. Mêlant intelligemment documentaire et fiction, acteurs et non-professionnels, le film est à la base une commande à la gloire des cheminots dressés contre l’occupant, et reflète un patriotisme bien dans l’esprit de l’après-guerre, soucieux de donner une image consensuelle d’une France résistante et combative. Tourné essentiellement à Saint-Brieuc et dans les Côtes d’Armor, La Bataille du rail frappe par son côté à la fois artisanal et élaboré, technique et lyrique, avec un souci de la reconstitution impressionnant dans plusieurs scènes mémorables, dont celles des déraillements de trains allemands.

L’œuvre a des points communs avec le néoréalisme italien de Rossellini, qui avait livré un brûlot esthétique et politique avec Rome ville ouverte. On ne saurait donc réduire La Bataille du rail à un simple « bon film de technicien », comme l’avait estimé avec condescendance Jean-Luc Godard. Il est pourtant vrai que le film frappe aussi par ses qualités « professionnelles », les séquences les plus spectaculaires et émotionnelles annonçant sa veine « grand public », qui donnera d’autres films sur le thème des Français sous l’Occupation : Le Père tranquille, Jeux interdits, Le Jour et l’heure ou Paris brûle-t-il ? Il n’empêche que le cinéaste, sincèrement passionné par ce sujet, avait ici une démarche peu utilisée dans le cinéma français de l’époque, si l’on excepte Espoir d’André Malraux, et quelques films de Louis Daquin et Marcello Pagliero. On peut par contre, rétrospectivement, émettre des réserves historiques. Il est en effet connu, depuis certains travaux, que la direction de la SNCF a montré, de 1940 à 1944, une collaboration active avec l’occupant, sanctionnant les rares cheminots rebelles, de par la culture gestionnaire et le carriérisme de ses cadres dirigeants. La production du film a donc sans doute eu pour objectif de redorer le blason de cette société nationale… Cette polémique n’enlève rien aux qualités réelles du film, même si on peut lui préférer des œuvres plus personnelles de Clément, comme Monsieur Ripois ou Plein soleil. La Bataille du rail obtint la plus haute distinction au palmarès de la première édition du Festival de Cannes.

Gérard Crespo



 

 


1946 - 1h25 - France - Scénario : Colette AUDRY, René CLÉMENT - Interprétation : Jean DAURAND, Jean CLARIEUX, Tony LAURENT.

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