Faits divers
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Dans le commissariat du 5e arrondissement... Présenté à Un Certain Regard en 1983, Faits divers avait permis à Raymond Depardon d'élargir son audience, après le succès de Reporters. Avant Délits flagrants et 10e chambre - Instants d'audience, qui montreront son incursion dans le domaine judiciaire, le cinéaste s'était frotté au milieu policier. Ayant eu l'autorisation de filmer l'activité professionnelle des forces de l'ordre du commissariat du 5e arrondissement de Paris, Depardon y suit le quotidien des gardiens de la paix, privilégiant le reportage en direct, sans commentaires, en écho à la démarche de Frederick Wiseman auquel Cannes Classics 2016 rend un hommage croisé avec la projection de Hospital. Les tranches de vie captées par Depardon révèlent une mosaïque sociale qui oscille entre le pathétique et le pittoresque : enregistrement de la plainte d'une cliente de café partie sans payer mais déplorant le kidnapping de son chien, déposition d'une malade mentale ayant perdu son livret d'épargne, contestation sur le droit de garde d'une enfant, suicide par barbituriques, transport d'un blessé à l'hôpital, vol à l'arraché... Le regard de Depardon n'est ni complaisant ni accusateur, et l'on ne peut que louer l'intérêt sociologique (et, avec le recul, historique) de l'échantillonnage des divers incidents, même si les affaires criminelles n'apparaissent pas. |
Pourtant, le passage où un inspecteur essaye de persuader une femme de couleur de retirer sa plainte pour viol semble, un temps, mener le film sur d'autres pistes, avant que le spectacle de la violence, de la bêtise et de la misère ordinaires ne vienne reprendre le dessus. S'il est clair que la présence de la caméra amplifie le côté « documenteur », les policiers s'efforçant de donner une image rassurante et bienveillante, le documentaire n'en explore pas moins avec acuité les difficultés des protagonistes, avec une légère distance critique. En atteste cette séquence où le cinéaste ne coupe pas les propos d'un agent qui abonde dans la teneur xénophobe des propos d'une plaignante victime d'un vol. Techniquement, le film est maîtrisé notamment de par la qualité de plans séquences ou fixes et de la prise de son, dans des conditions de tournage pourtant difficiles. Et l'ensemble est bien plus captivant que certaines fictions se voulant réalistes, à l'instar du surestimé Polisse auquel la similitude du contexte et des situations fait parfois songer. Présenté en 2016 par Palmeraie et désert avec le soutien du CNC, Faits divers, disponible sur YouTube, a été numérisé et restauré image par image en 2K par Eclair. La restauration et l'étalonnage ont été supervisés par Raymond Depardon lui-même. Gérard Crespo
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1983 - 1h48 - France - Documentaire - Production : Copyright Films, Unité de production Pascale BREUGNOT, Antenne 2. |