Personal Affairs
Omor Shakhsiya
de Maha Haj
Sélection officielle
Un Certain Regard






Tango and Clash

Nazareth. Un vieux couple suit le rythme de la routine quotidienne, quand leur fils se trouve à Ramallah, de l'autre côté de la frontière. Il voudrait rester célibataire, quand sa sœur est sur le point d'accoucher, et son beau-frère garagiste de décrocher un rôle au cinéma. Pendant ce temps, la grand-mère perd le nord... Pour son premier long métrage vaguement autobiographique, la cinéaste palestinienne Maha Haj a adopté le ton décalé d'Elia Suleiman (Le Temps qu'il reste), dont elle fut la collaboratrice pour les décors, tout en se situant dans la veine de One Week and a Day d'Asaph Polonsky, également présenté à Cannes 2016 mais à la Semaine de la Critique. Ce film partiellement choral n'est pas militant de manière explicite, et tranche avec un certain cinéma ayant abordé ouvertement le conflit israélo-palestinien. La réalisatrice préfère l'humour décalé dans cette description d'une famille de la classe moyenne, partagée entre tradition et modernité (des pâtisseries maison de maman à Skype), guère si éloignée de modèles occidentaux, et qui doit gérer un certain nombre de tracas quotidiens. Les parents voient leur amour s'étioler dans un absurde abyssal et une incommunicabilité irréversible, comme si des personnages de Ionesco croisaient les couples d'Antonioni ; le fils aîné installé en Suède est l'incarnation du mirage de l'expatriation, tandis que la sœur reproduit le comportement de la mère, en mode plus dynamique. L'insolite et le poétique se greffent avec bonheur au réalisme social, Maha Haj maniant avec habileté le mélange des genres.

On songe ici à cette séquence incroyable où une productrice de cinéma américaine s'égare dans une route secondaire près de Ramallah, avant de proposer un rôle à un garagiste dont la seule motivation sera de découvrir la mer. Ou bien aux déambulations d'une vieille femme qui réussit l'exploit d'être amnésique tout en se remémorant des traumatismes d'enfance. Cloîtrée dans sa villa pour cause de sénilité, prisonnière d'un passé et incertaine sur son sort, elle symbolise à elle seule l'incarnation du peuple palestinien. Et quand deux amoureux se livrent à un tango endiablé, après arrestation musclée à un checkpoint, la cinéaste livre le manifeste de son style et de sa démarche, par ailleurs très marqués par un sens pictural. « L’espace reflète les personnages. Ils ont des personnalités très différentes, même s’ils appartiennent à la même famille. J’ai voulu traduire cela en images. Hicham, qui habite en Suède, est en adéquation avec son décor. La blancheur et le calme du pays contrastent avec le bruit qui règne à Nazareth ou à Ramallah. Tarek est névrosé, dynamique et ressemble à Ramallah. À Nazareth, les parents sont affectés eux aussi par leur mode de vie routinier. L’espace domestique agit là encore comme un miroir. Je voulais souligner toutes ces divergences, grâce aux cadrages et aux couleurs », a déclaré la réalisatrice. En dépit de quelques longueurs, son film exerce un charme indéniable.

Gérard Crespo


1h30 - Palestine, Israël - Scénario : Maha HAJ - Interprétation : Amer HLEHEL, Sana SHAWAHDEH, Maïssa ABED EL HADI, Mahmoud SHAWAHDEH, Doraid LIDDAWI, Hanan HILLO, Ziad BAKRI.

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