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« Il est vivant. » Adapté d'un roman éponyme de Vassilis Vassilikos, Z a été écrit par Costa-Gavras en collaboration avec Jorge Semprun. Ce dernier avait été l'auteur du scénario de La Guerre est finie, réalisé trois ans plus tôt par Alain Resnais. La trame de Z se veut plus explicitement politique. C'était d'ailleurs la première fois en France qu'une œuvre à gros budget, tournée avec des vedettes, optait pour une approche délibérément engagée. Dès sa projection au Festival de Cannes, où il obtint le Prix du Jury et le Prix d'interprétation pour Trintignant, le film parut d'autant plus novateur dans son aspect pamphlétaire que le pouvoir qu'il dénonçait était toujours en place. À vrai dire, le récit se déroule dans un pays du bassin méditerranéen non identifié, mais le générique précise que « toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire ». Car le film se réfère à des événements similaires qui ont eu lieu en Grèce, quelques années avant la dictature des colonels (1967-1974). Et ce n'est pas un hasard si Costa-Gavras est lui-même un exilé grec et qu'il a souhaité travailler pour ce projet avec quelques compatriotes dont la comédienne Irène Papas et le musicien Míkis Theodorakis, alors prisonnier politique. Z relate l'assassinat du principal député d'opposition (Yves Montand), le soir où il organisait un meeting de première importance. Auparavant, on aura assisté au discours du général de la police (Pierre Dux), demandant à des hauts fonctionnaires de tout mettre en œuvre pour distiller des « anticorps » afin d'extirper les éléments subversifs qui menacent l'ordre social et moral. Un juge intègre et tenace (Jean-Louis Trintignant) réalise alors que la mort du député, transformée en banal accident par la police, est en fait un crime d'État impliquant les plus hautes sphères du pouvoir. Z séduit d'abord par sa narration en forme de dossier, qui utilise avec brio les codes du thriller et du film d'action. Le montage habile permet d'alterner le déroulement de l'enquête avec des retours en arrière fréquents sur les circonstances du crime. |
Au gré d'un récit mené de main de maître, le réseau représentatif du pouvoir corrompu est clairement identifié, du colonel de la police (Julien Guiomar) aux hommes de main (Marcel Bozzuffi, Renato Salvatori), petits truands encartés à l'extrême droite et utilisés par les forces de l'ordre pour faire le sale boulot. Dans cette société corrompue où le droit est bafoué, les valeurs positives sont incarnées par des parlementaires éclairés (Charles Denner), d'honnêtes hommes du peuple (Georges Géret), ou les représentants du pouvoir judiciaire : si le procureur (François Périer) est certes partagé entre le sens du devoir et l'obéissance à sa hiérarchie, le juge d'instruction est ici le porte-parole d'un cinéaste dont la sincérité et l'humanisme ne font pas de doute. Mais on peut penser que Costa-Gavras s'est davantage projeté dans le personnage du journaliste (Jacques Perrin), désireux d'éclairer la vérité en utilisant les procédés de la presse à sensation, mieux à même de toucher un vaste public. Et c'est un peu ici que se situe la limite de Z, qui n'hésite pas à grossir les traits de ses protagonistes pour installer un « théâtre de marionnettes » parfois lourdaud. Costa-Gavras montrera davantage de finesse dans L'Aveu, dénonciation kafkaïenne du pouvoir communiste. On peut aussi estimer qu'un Francesco Rosi (Lucky Luciano, Cadavres exquis) a été plus à l'aise dans cette imbrication du politique et du spectacle. Malgré cette réserve, Z est une date dans l'histoire du cinéma français, et l'œuvre annonciatrice d'une série de films qui ne méritent pas l'étiquette méprisante de « fictions de gauche » attribuée par les tenants de la doxa de la politique des auteurs. Le film obtint un gros succès international, entériné par les Oscars du meilleur film en langue étrangère et du meilleur montage. Z a été l'objet d'une restauration à l'initiative de KG Production, avec le soutien du CNC, et supervisée par Costa-Gavras. Le négatif original a été numérisé en 4K et restauré image par image en 2K par Eclair Group et par LE Diapason pour le son. Gérard Crespo
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1969 - 2h07 - France, Algérie - Scénario : Jorge SEMPRUN, d'après le roman de Vailis Vasilikos - Interprétation : Yves MONTAND, Jean-Louis TRINTIGNANT, Irène PAPAS, Charles DENNER, Pierre DUX, Jacques PERRIN, François PÉRIER, Georges GERET, Bernard FRESSON, Marcel BOZZUFFI, Julien GUIOMAR, Magali NOËL, Renato SALVATORI, Clotilde JOANO, Maurice BAQUET, Gérard DARRIEU, Jean BOUISE, Jean DASTÉ, Andrée TAINSY. |