Joe Hill |
Les émigrants En 1902, deux immigrants suédois, Joel et Paul Hillstrom, arrivent aux États-Unis. Ils doivent faire face aux amères réalités, une langue nouvelle et l'effroyable pauvreté qui règne dans les quartiers de l'East Side à New York. Paul quitte la ville, Joel y reste, amoureux d'une jeune Italienne. Mais l'aventure est de courte durée. Rien ne le retenant à New York, Joel, devenu Joe Hill, se met en route vers l'Ouest pour retrouver son frère. Auteur singulier de la nouvelle vague suédoise des années 1960, Bo Widerberg avait réalisé les prenants Elvira Madigan et Adalen 31, déjà primés au Festival de Cannes. Coproduit avec les États-Unis, Joe Hill est manifestement le film le plus abouti d’un auteur qui vécut un peu dans l’ombre tutélaire de Bergman, et qui est aujourd’hui redécouvert. Le choc ressenti par la vision cette œuvre est d’autant plus fort que Joe Hill a été invisible pendant quarante ans, et ressort aujourd’hui (en salles et en DVD) dans une superbe version restaurée numérique. Le début du récit peut cependant faire craindre le pire : chanson mielleuse de Joan Baez, dans la lignée de la partition musicale de Sacco et Vanzetti, sorti la même année, plans attendus sur des bateaux de migrants s’approchant de la statue de la Liberté, évocation conventionnelle des bas-fonds new-yorkais... Mais très vite, les stéréotypes s’estompent au profit d’une narration elliptique et subtile, et Widerberg impose sa griffe. |
S’il est clair que le film s’inscrit dans un courant de cinéma politique très en vogue au début des années 1970, comportant des œuvres aussi diverses que Le Conformiste de Bernardo Bertolucci ou Z de Costa-Gavras, Bo Widerberg trouve un souffle aussi fort que celui des cinéastes ayant abordé le thème de l’immigration aux États-Unis, d’Elia Kazan (America, America) à James Gray (The Immigrant). C’est par le mélange d’un militantisme lyrique (le chant des manifestants) et de procédés plus sobres (les idylles avortées) que Joe Hill séduit. On appréciera ainsi plusieurs séquences emblématiques de l’art de Widerberg, comme ce passage où une dame patronnesse de la bourgeoisie poursuit un petit voleur, jusqu’à découvrir une authentique cour des Miracles que ses hypocrites intentions caritatives se gardaient bien d’avoir explorée jusque-là... Le film est en même temps l’excellent biopic (comme on ne disait pas à l’époque) d’une personnalité atypique, immigré syndicaliste pris dans le tourment de la lutte des classes, puis d’un fait divers sordide qui fit de lui l’icône de ses pairs. L’acteur Tommy Berggren, interprète fétiche de Widerberg et météore du 7e art, incarne à merveille cette figure romantique et politique, avec un jeu qui n’est pas sans évoquer le Pacino des débuts. Un grand film méconnu à ne pas manquer ! Gérard Crespo
|
1971 - 1h57 - Suède, États-Unis - Scénario : Steve HOPKINS, Richard WEBER, Bo WIDERBERG - Interprétation : Thommy BERGGREN, Anja SCHMIDT, Kevin MALAVE, Evert ANDERSON, Hasse PERSSON. |