Still the Water |
« Pourquoi naître pour mourir ? » Des rumeurs de Palme d’or ont plané sur le dernier opus de Naomi Kawase, habituée du Festival depuis qu’elle a obtenu la Caméra d’or en 1997 avec Suzaku. L’histoire, très simple, prend place sur la belle île d’Amami, préservée de l’agitation du monde. Un lieu bien particulier, à la vie spirituelle dense et où les habitants pratiquent les rites ancestraux (comme l’égorgement d’une chèvre ou la danse d’Août) et vivent en harmonie avec la nature protectrice, dont chaque arbre, chaque pierre est censé être habité par un dieu. La végétation luxuriante le dispute à la splendeur de la mer qui l’entoure, au bruit sourd du ressac de la vague, à cet horizon bleu au-delà duquel se rend l’âme après la mort. Aux côtés de cette nature omniprésente, mystique, apaisante, qui tient le rôle principal, viennent éclore deux magnifiques adolescents, chacun en proie à de douloureuses expériences. Pour Kyoko la grave maladie puis la mort de sa mère, chamane (« sur le seuil entre les humains et les dieux ») ; la séparation de ses parents pour Kaito, dont le père s’est installé à Tokyo. Aidés en cela par le vieux Papi Tortue, l’un comme l’autre tentent de comprendre la vie et la mort, entre lesquels la frontière semble si floue, mais aussi l’amour en écho à cette infinie tendresse qui les unit. |
De scène en scène, la douceur et l’émotion finissent par envahir le spectateur : le va-et-vient des vagues comme si la mer faisait l’amour à la terre, à Tokyo le bain au cours duquel père et fils se lavent mutuellement le dos, les escapades des deux gamins au vélos (dont un superbe travelling)… et surtout cette nage finale en eau vierge des deux amoureux nus, époustouflante de beauté. Lorsqu’un typhon menace, puis engendre la destruction, la réalisatrice, sans angélisme aucun, tente de faire comprendre à l’homme, infime partie du cycle de la nature, impuissant sur la scansion d’un univers qui le dépasse, qu’il serait bon qu’il adopte un quelconque d’humilité, mette fin à ses erreurs sans cesse recommencées à l’égard de notre Terre nourricière et s’applique à apprendre et à transmettre la nature, terreau de toute vie. Fidèle à ses thèmes de prédilection, Naomi Kawase se débarrasse ici du trop d’académisme qu’on a pu lui reprocher et renoue avec la magie de Shara et la subtilité d’une caméra qui excelle à capter nuances, tremblements, regards, émois. Marie-Jo Astic
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1h50 - Japon - Scénario : Naomi KAWASE - Interprétation : Nirijo MURAKAMI, Jun MURAKAMI, Makiko WATANABE. |