Mercuriales |
« Cette histoire se passe en des temps reculés, des temps de violence... » Les Mercuriales sont les deux tours carrées de la porte de Bagnolet, surplombant le périphérique, et qui sont l'un des emblèmes d'une certaine urbanisation des Trente Glorieuses. Ce second long métrage de Virgile Vernier (Orléans) n'est ni un documentaire social sur fond de décor naturaliste, ni un film de banlieue de plus, ni une œuvre d'auteur nombriliste prenant pour cadre toute la misère du monde. En même temps, ces différentes tendances se retrouvent dans un scénario volontairement suggestif et déstructuré. Le film commence par le premier jour de travail d'un jeune vigile chargé de la surveillance nocturne des deux tours. On pense à Red Road d'Andrea Arnold, de par la similitude des situations et la présence de caméras mettant en avant de possibles éléments déviants. Fausse piste, et le jeune homme disparaît du dispositif narratif très vite, avant de réapparaître brièvement sous les traits d'un employé de supermarché puis d'un militaire. Un personnage dont la précarité fait écho à celle du monde de l'emploi. Lisa (Anne Neborac) et Joane (Philippine Stindel) semblent bien connaître cette précarité, mais aussi celle des sentiments. Ce sont elles, les deux protagonistes du film, et elles se sont rencontrées à l'occasion d'un petit stage dans l'une des tours. |
Elles deviennent amies et se confient leurs états d'âme, qu'elles partagent avec Nadia (Jad Solesme), une jeune mère. Ceux qui s'attendent à une variation de type La Vie rêvée des anges ou Bande de filles se trompent. Mercuriales est beaucoup plus proche du minimalisme d'un Philippe Garrel (la splendeur de la photo et la grâce poétique en moins), enrobé par un ton de psalmodie et des références politico-mystiques. On découvrira, pêle-mêle, des images de guerre (réelles) dans un petit village de l'Est, un striptease dans un club échangiste, la drague d'un jeune banlieusard pour obtenir un peu de shit, la conversation houleuse entre Joane et un ami français converti à l'islam, des rires d'enfants jouant sur un canapé, les délires chez un coiffeur africain, et autres saynètes composées au gré d'un montage privilégiant le vagabondage, entre tranches de vie et fantasmes, passé et présent, bonheurs et désillusions... L'ensemble ne manque pas de charme et de courage, eu égard au caractère lisse et stéréotypé de nombreuses fictions françaises brodant sur le même canevas. On renverra aux savantes analyses des héritiers des sémiologues pour décoder le message pas toujours clair du cinéaste, mais on peut aussi apprécier ce récit rêvé d'une errance sans chercher à y trouver du sens... Gérard Crespo
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1h48 - France - Scénario : Virgil VERNIER, Mariette DÉSERT - Interprétation : Philippine STENDEL, Ana NEBORAC, Annabelle LENGRONNE, Sadio NAKATÉ, Franck BABOT. |