Jeune et jolie |
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans Quatre strophes du poème Roman, quatre saisons et quatre chansons, cette Isabelle de 17 ans nous renvoie évidemment à une certaine Adèle, qui aurait troqué Rimbaud pour Marivaux. Les deux films se font écho, telles deux doubles vies, vécues comme une aventure au sens du voyage que l’on entreprend à cet âge-là, en quête de sa sexualité. Mais aux commandes de François Ozon, le personnage se fait plus secret, moins identifiable, moins entier, plus déstabilisant. Émaillé d’humour, le film est suffisamment malin pour jouer sur la légèreté, voire l’ingénuité : Isabelle est dans l’inconstance, jamais dans le drame, encore moins dans le sordide. On la découvre l’été, en vacances, avec ses parents (sa mère et son beau-père) et son petit frère Victor, confident et complice. Comme il a encore tout à découvrir, Victor est voyeur de tout ce qui l’entoure et surtout de cette superbe grande sœur qui l’intrigue forcément. C’est d’ailleurs pour ce regard-là, celui d’observateur, de regardeur, que va opter le réalisateur pour filmer la vie d’Isabelle. Qui profite de cet été-là pour se débarrasser vite fait mal fait de sa virginité, tandis que Françoise Hardy fredonne que l’amour d’un garçon peut tout changer. |
On retrouve Isabelle à l’automne, maquillée, affublée des tailleurs-chemisiers de sa mère, marchant d’un pas ferme vers un grand hôtel de verre et d’acier (on ne peut s’empêcher de penser au Claire Dolan de Lodge Kerrigan), pour une passe à 300 euros réservée par Internet… ou 500 si vraiment il faut être « naturelle ». Isabelle n’est libre qu’en fin d’après-midi et pas les week-ends, puisque le reste du temps, elle est lycéenne à Henri IV, ou en résidence chez ses parents. Un jour, chambre 6095 où elle rencontre régulièrement Georges, avec qui une relation de tendresse a commencé de se nouer, celui-ci est victime d’un AVC. Georges était une sorte d’ange-gardien qui semblait la préserver des dangers inhérents à ses « occupations ». Lui disparu, Isabelle va se trouver plongée, comme par erreur ou par inadvertance, au cœur des tourments familiaux et particulièrement de la souffrance de sa mère qui découvre brutalement ses activités extra-scolaires, d’une enquête policière et d’une analyse chez un psy fort réceptif à l’humour. Tout ceci n’est décidément pas sérieux, jusqu’au jour où, toujours par erreur ou par inadvertance, cela pourrait le devenir. Tout en distanciation, Ozon joue ainsi à la frontière des possibles, et c’est là toute l’élégance de Jeune et jolie, rôle pour lequel Marine Vacth fut un temps – assez court compte tenu de la prestation de Bérénice Béjo – favorite pour un prix d’interprétation. Et une mention spéciale pour la justesse des personnages secondaires. Après Swimming pool en 2003 et Le Temps qui reste présenté en 2005 à Un certain regard, le film marque la troisième présence de François Ozon en sélection officielle à Cannes. Marie-Jo Astic
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1h30 - France - Scénario : François OZON - Interprétation : Marine VACTH, Géraldine PAILHAS, Frédéric PIERROT, Nathalie RICHARD, Charlotte RAMPLING. |