Touristes
Sightseers
de Ben Wheatley
Quinzaine des réalisateurs
Séance spéciale
palme

Sortie en salle : 26 décembre 2012




Il a voulu mettre les couilles de Poppy dans sa bouche

Présenté comme une « comédie malpensante » par Edouard Waintrop en séance spéciale de la Quinzaine des réalisateurs, Sightseers nous renvoie inéluctablement deux ans en arrière, où la Semaine de la critique présentait, dans la même configuration, Rubber.

La question est alors de savoir si ce que l’on pouvait pardonner à un pneu psychopathe recueillera la même bénédiction du spectateur aux prises avec des êtres de chair et de sang… de sang surtout. C’est en tout cas le défi que lancent les deux acteurs coscénaristes, Alice Lowe et Steve Oram. Pari gagné pour cette épopée de caravan killers, accompagnée de l’oppressante respiration insufflée par la musique de James Williams, dans une campagne anglaise présentée sous un jour inédit, la cinématographie britannique donnant rarement l’occasion de faire du tourisme. Où les paysages mutent vers le sépulcral au gré des dérives obsessionnelles de nos inquiétants touristes.

La préparation au voyage avec Chris met en présence Tina et sa mère, laquelle appréhende d’ores et déjà des « choses terribles » et rappelle l’épisode dramatique où le chien Poppy s’empala un an plus tôt sur les aiguilles à tricoter de l’ouvrage en cours de Tina : « Tu es une meurtrière. – C’était un accident maman… – Toi aussi tu en étais un… ».


Le ton est donné de ce type de quotidien qui vous forge le psychisme. Quant à Chris, il a, grâce à des épingles colorées plantées sur sa carte routière, préparé un itinéraire tiré au cordeau qui ne leur épargnera aucun des sites et visites incontournables que préconisent les guides de voyage.

Les voici donc partis, sur les routes de plus en plus accidentées et sous les cieux de plus en plus couverts, voire sous des pluies de grêle, de la perfide Angleterre, à l’assaut des pièges à touristes. Entre les « menthe-moi » ou les « je te muse » – Chris étant un écrivain souffrant de « constipation créative » – les engueulades ou encore les divergences de vue sur les méthodes, les relations entre ces deux-là sont surprenantes et chaotiques. Quand à Poppy, un certain Banjo le gratifiera d’une seconde vie.

Très différentes, voire opposées, leurs deux individualités ne feront cependant qu’une dès lors qu’un tiers se mettra en travers de leurs humeurs biscornues : un papier jeté à terre, des ados trop bruyants, une remarque jugée désobligeante… sonneront le glas pour les petits maladroits qui ont le malheur de se trouver sur la route des deux tourtereaux, qui malgré leurs « personnalités » respectives sont cruellement faits pour s’entendre. On a constamment envie d’en prendre l’un, manipulateur, pour taper sur l’autre, génétiquement accablée, mais dans le genre zarbi et mauvais goût on en redemande.

Marie-Jo Astic


1h29 - Grande-Bretagne - Scénario : Alice LOWE, Steve ORAM, Amy JUMP - Interprétation : Alice LOWE, Amy JUMP.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS