Inside Job |
« Les plus pauvres sont ceux qui paient toujours le plus cher »
Encore un documentaire bien-pensant sur les méfaits de la dérégulation économique mondiale ? Oui, mais celui-ci, sans révolutionner le genre (alternance académique d'interviews, d'images d'archives et de prises de vue aériennes de lieux internationaux), est un document passionnant sur la crise financière la plus grave depuis le krach de 1929. Si l'on pourra être agacé par la profusion des témoignages et la forme un brin télévisuelle du pamphlet, on ne saurait nier la rigueur de Charles Ferguson et l'efficacité du produit final. Découpé en plusieurs chapitres (l'assassinat programmé du modèle islandais, l'ascension des produits dérivés, le refus de toute entrave à la déréglementation...), Inside Job est certes moins percutant que Cleveland contre Wall Street mais parvient sans peine à éviter les excès et approximations d'un Michael Moore (Capitalism: a Love Story), en cernant l'irresponsabilité des dirigeants des grandes banques internationales (de Lehman Brothers à Merril Lynch) et des politiques américains, de Ronald Reagan à Barack Obama qui malgré ses promesses électorales s'est entouré des mêmes grands bonnets des marchés des capitaux.
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Le meilleur du documentaire réside dans la mise en lumière de l'absurdité des agences de notation bancaire ou de l'hypocrisie des d'universitaires américains ayant prôné l'absence de contrôle réglementaire du système tout en étant grassement rémunérés par d'immenses sociétés financières, sans que l'éthique du conflit d'intérêt ne vienne un seul instant ébranler leurs certitudes : le film excelle à mettre en exergue les témoignages mensongers de supposées élites, à l'instar de l'économiste Glenn Hubbard, doyen de la Business School de Harvard, dont la mauvaise foi éclate grandement à l'écran. Le cinéaste s'avère curieusement plus indulgent envers des institutions aussi controversées que la Commission européenne ou le Fonds monétaire international, un Dominique Strauss-Kahn serein admettant devant la caméra que « les plus pauvres sont ceux qui paient toujours le plus cher ». Discrètement sarcastique et tout compte fait salutaire, Inside Job est au final une réussite indéniable : et quel film pourra s'enorgueillir de réunir au même générique Matt Damon (en narrateur) et Christine Lagarde (en second rôle féminin) ? Gérard Crespo
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2h00 - Etats-Unis - Documentaire |