Cleveland contre Wall Street
Cleveland Vs. Wall Street
de Jean-Stéphane Bron
Quinzaine des réalisateurs
palme

Sortie en salle : 18 août 2010




« Wall Street a indexé ses bonus sur les pauvres »

Tandis qu’Oliver Stone pose sa caméra du côté des bourreaux (cf. Wall Street: l’argent ne dort jamais), Jean-Stéphane Bron l’installe à Cleveland, Ohio, et ses 100 000 victimes des subprimes, ses 200 000 familles expulsées, ces signaux tangibles annonçant un naufrage financier planétaire sans précédent depuis près d’un siècle, les défauts de paiement de crédits hypothécaires consentis à des emprunteurs peu solides ayant provoqué les premières faillites de banques, enclenchant la crise mondiale. Plus que la ville elle-même, c’est d’un de ses quartiers qu’il s’agit, le Slavic Village d’East Cleveland, « Le ghetto des ghettos », pourvoyeur des proies les plus faciles.

« On pouvait aborder cette crise comme une simple fresque. J'ai préféré regarder comment était fabriquée la bombe, en quelque sorte. » Pour cette autopsie d’une ville sinistrée qui entre en résistance face à des pratiques capitalistes par définition iniques, le réalisateur a donc choisi la forme documentaire en lui greffant la part de fiction que lui imposa en cours de route le fait historique.

Le 11 janvier 2008, s’engageant dans la lutte pour le maintien dans les lieux des familles endettées, dont Barbara Anderson devient le chef de file au vu du désastre dont elle est le témoin direct, Josh Cohen et ses avocats associés assignent en justice, au nom d’une centaine de familles et de la ville de Cleveland, les vingt et une banques jugées responsables des saisies immobilières qui laissent chaque jour des familles exsangues et sans recours.


Mais la procédure, se heurtant aux manipulations de Wall Street, est annulée. Jean-Stéphane Bron décide alors de reconstituer le procès avorté. Avec un choix plus qu’abondant du côté des victimes, des témoins et des parties prenantes et un dispositif judiciaire existant pour ce qui concerne la partie plaignante, il lui restait à convaincre un juge d’organiser ce procès « volé » dans des conditions réelles, et en particulier de constituer un jury, de désigner un avocat de la défense, rôle que Keith Fisher accepta de jouer et de filmer un scénario qui s’écrivait au fil des interrogatoires et contre-interrogatoires.

En essayant de déterminer qui, entre emprunteurs insolvables et établissements de crédit peu regardants aux fausses déclarations de revenus surévalués, est responsable, le réalisateur met en lumière le combat, la vérité des plaignants, leur courage aussi d’avouer publiquement la faillite de leur vie et explore les racines du mal, tandis que se succèdent également à la barre des représentants des brigades d’expulsion, un conseiller municipal, des courtiers véreux, Peter Wallison, ancien conseiller à la Maison Blanche mettant directement en cause la politique gouvernementale d'accession à la propriété et l'avidité des banques, ainsi que Michael Osinski, informaticien concepteur du logiciel qui permettait de transformer instantanément les hypothèques en produits financiers, démultipliant et accélérant la banqueroute, dès lors que les emprunteurs étaient incapable d’acquitter leurs paiements.

Alors que Barbara Anderson nous convie à une visite guidée de son quartier fantôme et de maisons désertées et abandonnées aux gangs et aux dealers, Wall Street est reconnu coupable, à la majorité des votes.

Marie-Jo Astic


1h38 - Suisse, France - Documentaire

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