Vengeance |
Johnny chez Johnnie
Maître du cinéma policier de Hong Kong, Johnnie To est un auteur inégal dont les meilleures perles noires (Election 1, Election 2, Breaking News) avaient déjà été présentées au Festival de Cannes. On retrouve dans Vengeance son goût pour les scénarios à la fois limpides et sophistiqués, encore que le minimalisme du récit écrit par Wai Kai-fai détonne chez un cinéaste habitué aux vertiges de la narration. Un restaurateur sexagénaire, ancien tueur à gages (Johnny Halliday), arrive à Macao pour venger sa fille (Sylvie Testud), dont la famille chinoise a été mystérieusement abattue par une bande de truands. Il embauche un trio de spécialistes chargés d'exécuter cette mission. Vengeance est fidèle à la panoplie visuelle et esthétique de Johnnie To : avenues noyées par les averses, fusillades cartoonesques au cours desquelles le héros semble avoir toujours une longueur d'avance, courses-poursuites dans des habitations désertées des hordes touristiques... L'humour n'est pas absent de ce thriller stylisé, à commencer par cette séquence surprenante qui voit une mère de famille nombreuse se déguiser en femme fatale pour séduire et piéger un big boss de la pègre, sur la terrasse d'un café. L'ambiance crépusculaire, l'épure abstraite de certains plans convoquent amoureusement les ombres de Melville, Leone, Peckinpah, et Eastwood, maîtres de cinéma qui ont indiscutablement marqué Johnnie To.
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Et pourtant, Vengeance laisse un sentiment d'inachevé. Le cinéaste assure le minimum syndical, tentant le grand écart pour avoir dans sa poche le public populaire international, les cinéphages tendance Starfix, les intégristes de la politique des auteurs et le gotha mondain festivalier. Mais le soufflet retombe vite. La faute n'en incombe pas tant à son interprète principal. Certes, Johnny Halliday n'a pas été formé à l'Actors Studio ou au cours Florent, et son jeu exsangue nuit quelque peu à certaines séquences (l'arrivée à l'aéroport, la rencontre avec la veuve). Mais l'hilarité d'une partie du public français face à certaines répliques (« Is is your jacket ? ») tient davantage à son image médiatique qu'aux limites de son jeu d'acteur. « Modèle bressonnien » chez Godard (Détective, 1985), le chanteur tente ici un registre granitique guère si éloigné des compositions des Bronson, Eastwood, Wayne, Marvin ou Ventura, sans égaler toutefois ces légendes. Les limites de Vengeance résident plutôt dans un sentiment de déjà-vu. Une relève de cinéastes asiatiques (Andy Lau, Na Hong-ji) pourra sembler plus créative, en comparaison avec cette agréable série B, récréation d'un cinéaste cinéphile qui filmera bientôt, n'en doutons pas, une œuvre majeure. Gérard Crespo
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1h48 - Hong Kong- Scénario : WAI Kai-fai - Interprétation : Johnny HALLIDAY, Sylvie TESTUD, Simon YAM, Suet LAM, Maggie SUE. |