Kinatay
de Brillante Mendoza
Sélection officielle
Prix de la mise en scène
palme

Sortie en salle : 18 novembre 2009




"L'intégrité, une fois perdue, est perdue à jamais."

L'hilarité de salle devant cette sentence, après qu'une malheureuse prostituée ait été découpée en morceaux, sous le regard désapprobateur mais complice d'un étudiant en criminologie écarquillant de grands yeux, met en exergue la naïveté (plus que la roublardise) du cinéma de Brillante Mendoza. Révélé en 2007 avec le poignant John John, le cinéaste connut un flop immérité l'an dernier avec Serbis, rejeté par une bonne partie des festivaliers en raison de son excès de naturalisme et d'une bande-son (klaxons épuisants, bruits de fond perturbateurs) insoutenable. Le cinéaste semble avoir rectifié le tir, pour se concentrer sur une unité de temps, de lieu et d'action, propre à saisir la sauvagerie banalisée d'un gang de malfrats, symbolisant à lui seul l'inhumanité, le machisme, et l'immoralité du monde moderne.

Abyong décide de travailler pour une bande locale de Manille, afin de gagner de l'argent permettant de faire vivre sa jeune fiancée, étudiante elle aussi, et qu'il a décidé d'épouser. Acceptant une mission bien rémunérée, il se retrouvera chauffeur d'un rapt punitif visant à se venger d'une jeune femme n'ayant pas payé ses nombreuses factures de substances illicites...

"Tiens ! On a découpé une femme en morceaux rue de la bienséance à deux pas du château..." Chez Demy, l'horreur se chantonne. Ici, fi de la fantaisie et de l'humour noir... Mendoza filme en temps réel une sinistre expédition, situant le road movie dans un univers glauque, comme si les plans-séquences de traversée automobile de Kiarostami avaient rejoint l'univers mystique et nocturne de Taxi Driver. Les éclairs de luminosité dans l'obscurité nocturne, le huis clos dans la fourgonnette, la montée de la tension et les actes de barbarie commis sur la jeune femme sont filmés sans complaisance, et évitent le piège du voyeurisme que même Brian De Palma n'avait pas su éviter dans Outrages (1989). Reste que le film donne beaucoup trop dans l'exercice de style minimaliste et que Mendoza peine à insuffler un véritable souffle à ce non-thriller. Sans mériter l'éreintement d'une partie de la presse, Kinatay souffre du label « film de festival » et on peut rester dubitatif devant l'octroi de son prix de la mise en scène.

Gérard Crespo


1h45 - Philippines - Scénario : Armando LAO - Interprétation : Coco MARTIN, Julio DIAZ, Mercedes CABRAL, Maria Isabel LOPEZ.

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